Les musiques traditionnelles et
populaires ne se transmettent pas
aux coins des bibliothèques et dans
les pochettes de disques, ça se saurait.
De génération en génération, de
lieux en lieux, les musiques traditionnelles
se vivent dans les boeufs
de bistrots, les familles ou les communautés,
les festivals, les lieuxlaboratoires
de pratiques et de
recherches musicales, bref, dans la
rencontre humaine directe et l’inlassable
pratique quotidienne.
Mais dans cette histoire heurtée qui
est celle des musiques traditionnelles
en France, marquée par les coupures,
les oublis et les résurgences/renaissances,
les archives sonores
occupent une place toute particulière.
« Chevilles ouvrières », car éléments
de reconstruction de pans
entiers de traditions musicales
presque éteintes, mais également
« maillons faibles » car peu ou
parfois mal analysées et surtout
sous-exploitées, les archives sonores
restent des objets confidentiels, des
secrets trop bien gardés.
Trace discrète des savoirs oraux,
elles font pourtant bien partie de ces
éléments de transmission qui participent
activement à la définition et
à la réinterrogation permanente qui
agite le monde des musiques traditionnelles.
S’il est souvent difficile
de définir ce champ très éclectique,
les archives sonores semblent bien
incarner un des axes à partir duquel
les musiciens d’aujourd’hui s’identifient
ou se démarquent, se méfient
ou se revendiquent «musique trad».
Parfois revendiquées, arborées
comme des trésors de guerre, gages
d’intégrité musicale ou tout simplement
passées sous silence, elles font
partie de la constellation des
« sources » possibles ; entre sources
vivantes et sources écrites.
Lieu des filiations indirectes à des
personnes et à des lieux, des rencontres
anachroniques (lorsqu’un jeune
joueur de vielle électroacoustique
découvre un ménétrier bressan) et de
chocs esthétiques improbables (oh
la voix de cette vielle femme qui
fredonne une berceuse …), les
archives sonores irriguent en
profondeur la création en matière de
« nouvelles » musiques traditionnelles.
Terrain de jeu et document
d’imprégnation, elles sont aussi en
tant que tel des objets artistiques
intègres, véhicules de valeurs esthétiques
aussi rares que difficiles à
capter : l’âpreté, la spontanéité et la
plasticité.
Ses utilisations sont multiples ; pour
le chercheur, le témoignage oral ne
devient document scientifique que
croisé à d’autres sources et passé au
crible de l’analyse. Le musicien trad,
bien que souvent chercheur lui aussi,
est plutôt en quête d’un matériau
d’imprégnation, d’un outil de travail.
L’homme et la femme du
XXIème siècle en simple curieux, y
chercheront plutôt un témoignage
patrimonial, écho d’un monde
parfois révolu mais ressucité par la
magie du son, ce média à la force
d’évocation troublante qui donne à
un moment, à une personne,
l’étrange impression d’être proche et
lointain.
La reconnaissance des cultures et des
traditions orales s’est bien souvent
accompagnée de la reconnaissance
progressive des supports qui ont servi
à la recueillir. Après les grandes
vagues de collectes, des phonothèques,
ces véritables monuments de
l’oralité se sont constituées, accompagnées
par une fièvre éditoriale qui
a porté au grand jour une foule de
musiciens anonymes et marginalisés.
Aujourd’hui les progrès de la
numérisation et des traitements
documentaires offrent de nouveaux
possibles et facilitent la consultation.
Les archives sonores font
aujourd’hui l’objet d’une utilisation
singulière auprès de nombreux
musiciens curieux de « nouvelles »
esthétiques et avides de revisiter une
histoire aux fils ténus …
Dossier thématique
réalisé par Péroline Barbet
- Photographie :
© Plonk & Replonk
- page 9 :
Les outils de la mémoire,
Laurent Aubert
- pages 10 & 11 :
Témoignages
avec les participations de JF.Vrod,
Manu Théron, Stéphane Méjean,
Yann Gourdon, Michel Favre,
Stéphane Mauchand, Yvan Dendievel
- pages 12 :
Musique-pratique :
Avoir le son, Eric Montbel
- page 13 :
La Bresse à l’honneur,
entretien avec Sylvestre Ducaroy
et Patrick Bouffard
Télécharger le dossier thématique