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Vaity, maîtresse du bèlè

CMTRA : Peux-tu nous parler des musiques traditionnelles de Martinique ?

Tout d’abord, il faut dire que si elles existent bel et bien, elles sont assez difficiles à trouver, il faut chercher, sélectionner les radios qui passent ces musiques et il y en a peu, sur des créneaux horaires peu étendus. La Martinique fait partie des petites Antilles, chapelet d’îles entre différents pays, l’Amérique centrale, Cuba… L’île est très ouverte sur l’extérieur et absorbe toutes les cultures voisines notamment les musiques américaines comme le raga, le Rn’B qui sont très présentes. Il existe néanmoins toutes sortes de musiques traditionnelles, des musiques dites « de ville » comme le biguine, la mazurka ou la valse, jouées par des orchestres constitués sur la base piano, chant, basse, batterie. Et puis, il existe les musiques dites de « campagne » autour du tambour « bèlè ».

Qu’est-ce que le bèlè ?

Le bèlè est une culture à part entière qui associe le chant, la danse et la musique. Il est étroitement lié à l’histoire de l’esclavage en Martinique et est un héritage direct de l’Afrique, même s’il a évolué avec le temps, et a formé une nouvelle culture. Ainsi, géographiquement, le bèlè prend différentes formes au sein même de l’île. Il y avait le bèlè du nord atlantique, le bèlè du sud, … Troisième forme, le bèlè du Nord Caraïbes : le lasotè (à l’assaut de la terre), c’ était une musique pour accompagner et rythmer le travail de la terre, le labour, et d’autres travaux comme rapper le manioc.

En pratique, le lasotè associe plusieurs tambours bèlè, confectionnés avec des lattes de tonneaux de chêne ayant servi à vieillir le rhum et auquels on ajoute un timbre, un crieur qui chante à pleine voix, des konnès (joueur de conques de lambies) et des bwatè qui jouent le ti bwa, instrument formé de deux baguettes de bois qu’on frappe sur l’arrière du tambour. Dans le lasotè, le ti bwa est joué a plusieurs sur un bambou. Le lasotè du nord Caraïbes subsiste encore aujourd’hui mais davantage pour montrer ce que c’était. Il ne reste que peu de porteurs de cette musique et notamment un grand tanbouyé au Carbet, monsieur Méfane, quelques crieurs également…

Il y a quelques années, j’ai cherché à en voir et c’est arrivé. Aujourd’hui, je fais partie des orchestres de musiques de travail. Les nouvelles générations desquelles je fais partie s’y mettent donc doucement et quand il y a un lasotè, nous sommes conviés avec les anciens, et la génération intermédiaire.

Comment se combinent le chant, la danse et les percussions ?

Le chanteur lance un chant par la réponse que les répondès reprennent après chaque phrase du chanteur, le ti-bwa entre, le tambour puis la danse.

Le chanteur est le maître de cérémonie, c’est lui qui annonce la danse qui viendra ; le ti-bwa précise le genre et la famille dans laquelle on est (bèlè ou grand-bèlè) ; le tambour à un rôle de commandeur, il mène la danse, et créé de l’inédit. La danse est le spaciodramatique qui interprète les coups de tambours, impose ses pas et commande le tambour à sa guise. Lawonn (le public) s’exprime en ponctuant les évènements. Le chant est sur la « gamme bèlè » composée de dix sons (tierce mineur, deux tons, tierce mineur, deux tons), la danse est très souvent sous forme de quadrilles formées de deux quarrés qui s’emboîtent. Il y a aussi des danses en cercle et en ligne, en couple ou seul.

Et d’un point de vue rythmique ?

Comme j’indique plus haut, il y a deux grandes familles : le bèlè « binaire » et le grand-bèlè « ternaire », c’est l’inverse dans le bèlè du sud. Le tambour utilise beaucoup de cinquillo, de divisions par sept et de triolets par exemple.Cette musique est très polyrythmique et polyphonique, le choeur est tantôt à l’unisson, tantôt à plusieurs voix (harmonie bèlè).

Comment se déroule une soirée bèlè ?

La soirée bèlè constitue un grand rendez vous social, festif, très rituel même s’il n’est pas religieux mais bien culturel. La soirée commence par le damier qui est une danse de lutte pendant laquelle les esclaves réglaient leur compte dans un vrai combat à mort. Ces soirées qui avaient lieu sur la terre battue se déroulent désormais dans des lieux que nous investissons, comme les marchés. Avant, il y avait un seul chanteur, un seul tanbouyé, etc…

Maintenant, il peut y avoir tous les chanteurs, tous les tanbouyés, tous les bwa-tès, tous les répondès et tous les danseurs… Toutes les associations y sont invitées. Depuis peu de temps, à mon initiative, ces soirées débutent par un moment bèlè ti-manmay (bèlè des enfants) avant le damier car il y a un bèlè ti-manmay ! Dans ces soirées on retrouve le bèlè de toutes les régions : bèlè du nord, du sud… et ces soirées sont organisées partout dans l’île. Durant la soirée, les chanteurs, les tanbouyés, les danseurs se succèdent de 19h jusqu’à l’aube. L’assistance dite lawonn y est très active et participe par leur « bruits » et leurs expressions de joie.

Que racontent les chansons ?

Du temps de l’esclavage, le bèlè constituait d’abord un langage que les colons ne comprenaient pas et qui permettait de communiquer. De façon générale, les chansons racontent les choses de la vie quotidienne, des peines, des souffrances mais aussi des événements quand on évoque par exemple le bateau ou l’avion qui arrive pour la première fois comme dans la chanson « avion an rivé » que l’on chante encore aujourd’hui.

Il y a aussi des chansons d’amour assez coquines et qu’on interprète en général à double sens. Par exemple : « Mano, voyéy monté. » « Mano », c’est quelqu’un à qui l’on dit de chauffer l’auto et la voiture ne démarre pas… Les enfants peuvent chanter ça, mais les adultes en connaissent l’autre sens. C’est très imagé. Le bèlè se transmet essentiellement oralement. Par contre, Etienne Jean- Baptiste, tanbouyé et chercheur sur le bèlè en Martinique, ex-directeur de l’IFAS (structure qui m’a formée et qui m’a fait découvrir le bèlè) a réalisé une première méthode de tambour bèlè en utilisant l’écriture européenne des rythmes : le « Mèt à bèlè »

Et toi, quel est ton bèlè ?

Avec le trio Vaity, nous avons adapté cette tradition bèlè grâce à la polyvalence de chaque artiste : Artana, M’La et Vaity chantent, jouent au tambour et dansent. A tour de rôle, la chanteuse danse, celle qui est au ti-bwa répond, etc… On passe ainsi de la danse au chant et du tambour à la danse. On peut danser seul ou à deux. Nous présentons un spectacle dynamique, fait de musique à écouter ou à danser et de danse à regarder, pluridisciplinaire et inter actif car le publique (lawon) « a son pas à dire » ! J’espère, par la description de ma culture, vous avoir fait voyager jusqu’en Martinique, mais en vivant le spectacle Trio Vaity, vous y serez à coup sûr !

Propos recueillis par Jean Sébastien Esnault


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