Erika Tasnà dy
Les participants au cours de chant traditionnel du CMTRA ont eu le plaisir, en octobre dernier, de respirer un peu de Hongrie grâce à Erika Tasnà dy, chanteuse, danseuse qui nous a rendu visite.
Belle rencontre que certains ont prolongé en s'inscrivant aux stages encadrés par Erika, qui porte avec passion, au travers d'une voix solide et pleine de couleurs, les répertoires de l'est de l'Europe.
CMTRA : Tu te présentes comme chanteuse et professeur de chant. Depuis combien de temps exerces-tu cette activité ?
Erika Tasnà dy : Je suis montée sur scène pour la première fois il y a 10 ans.
Mon répertoire est depuis toujours composé de chants traditionnels hongrois. J'ai travaillé avec des musiciens en Transylvanie et en Hongrie et obtenu plusieurs prix de chant, en parallèle à mes études de littérature hongroise et d'ethnographie. Depuis mon arrivée en France en novembre 1999, je chante avec plusieurs formations : Soukha (chants traditionnels hongrois), Aksak (répertoire roumain et bulgare), avec Catherine Basson (conte musical autour des chants, musiques et contes hongrois), et depuis peu avec Florentin Dragomir (musique roumaine).
Je commence à faire des concerts en solo.
J'anime des stages, des ateliers de chant et même de danse, en Roumanie, Hongrie et Transylvanie depuis six-sept ans.
Quels répertoires enseignes-tu ?
J'enseigne un répertoire de chant traditionnel hongrois, avec une prédominance pour les mélodies que l'école d'ethnomusicologie hongroise appelle "l'ancien style", des mélodies qui gardent les vestiges de l'époque nomade et du Moyen-Age européen.
Penses-tu qu'il soit possible, pour des chanteurs de culture française, d'approcher vocalement d'autres cultures traditionnelles ?
Il faut faire connaître ce répertoire, mais le chanter peut paraître difficile. Il ne s'agit pas seulement d'enseigner des chansons, mais aussi tout ce qui fait la culture d'où elles sont issues. En ce qui concerne les chanteurs de langue française, je crois qu'ils pourraient approcher ces répertoires, bien sûr, avec de la patience et de la volonté.
Car il y a de nombreuses difficultés à surmonter dont la première est la langue, et puis la voix. Cela ne veut pas dire que les gens de l'Est ont des cordes vocales différentes... C'est plutôt une question d'écoute. Si on arrive à entendre, on arrive à reproduire et à se faire plaisir. Ce sont les oreilles qu'il faut aiguiser dans tous les répertoires de chant traditionnel. Il faut arriver à produire une voix "naturelle", plus proche de la voix parlée.
Dans notre pays, et depuis 15 ans, l'enseignement des musiques traditionnelles est sanctionné par des diplômes, as-tu bénéficié d'une formation musicale générale ou plus particulièrement “traditionnelle” ?
Pour la pratique musicale, je suis entièrement autodidacte. Adolescente, j'ai commencé à apprendre les chansons entendues sur les disques vinyles... Puis j'ai eu la chance d'être "découverte" à plusieurs reprises par des musiciens, chanteurs, musicologues. Ils m'ont fait entendre des enregistrements, des collectages anciens, et c'est grâce à eux que j'ai eu accès à ce monde musical. Parallèlement j'ai fait des études en folklore, qui m'ont permis de passer beaucoup de temps en milieu paysan.
Avec mon sac à dos, j'étais toujours sur la route. En France, je n'ai pas encore trouvé les moyens de faire des études dans ce domaine. J'ai posé ma candidature pour passer un D.E. en musique traditionnelle hongroise. Ce sera au printemps.
Tu as donc eu la chance de rencontrer des chanteurs de tradition ?
J'ai la chance de connaître encore des chanteurs et des chanteuses paysans. Ils m'ont transmis beaucoup de choses, pas seulement leurs chants. À travers leur manière de chanter, et leur façon de vivre, je pense avoir compris la culture qui leur appartient. Ce sont des personnes qui chantent quand ils ne veulent pas parler. Ils chantent, parce qu'ils sont joyeux, ou tristes. Et les belles voix sont très appréciées dans la culture rurale.
Quels sont tes projets artistiques ?
Je présente un concert en solo. C'est un bon défi. Comme tous mes concerts, ce n'est pas simplement de la musique, des morceaux arrangés qui se succèdent. C'est aussi un monde musical à expliquer, je joue aussi de quelques instruments, flûtes, psaltérion et gardon (percussion traditionnelle). Dans l'avenir, j'aimerais monter un spectacle hongrois-roumain, pour démontrer que les frontières de la musique sont artificielles... tout comme le malaise nationaliste ! Ces musiques traditionnelles sont belles justement grâce à leurs interactions. Mais c'est encore un projet, à développer en ce qui me concerne. Je suis aussi très intéressée par d'autres rencontres musicales.
Le "métissage" est enrichissant, s'il reste discret, et s'il ne se sert pas que des façades, des exotismes. Il doit saisir la profondeur, le style des musiques concernées.
Propos recueillis par E.G.
Contact
Erika Tasnà dy
04 77 21 58 19 / [erikapoitau@aol.com->erikapoitau@aol.com]
Discographie
1995 - Moldvai Csà ngo Tà nchà z
(avec le groupe Botoska) -enregistré à l'Académie de Musique de Budapest
1997 - Uj élô népzene 2. /6. - Folk Workshop Hungary
2001 - Noël des Balkans
(avec le groupe Aksak), Buda Musique, série Musique du Monde
2003 - Musiques singulières
(avec le groupe Soukha)