Dastum "Recueillir, rassembler"
Panorama de la Bretagne sonore
Dastum, un lieu de mémoire
et de transmission
L'association Dastum -en breton
« Recueillir, rassembler », a été créée en
1972 dans le but de collecter et de
mettre en valeur les traditions orales et
musicales bretonnes.
Aujourd'hui
Dastum met à disposition de tous,
chansons, musiques, contes, histoires,
proverbes, dictons, récits en breton, en
gallo ou en français. La transmission et
la valorisation passe par l'animation culturelle,
par une collection d'éditions
sonores écrites et multimédias et par la
mise en place de bases documentaires
en ligne qui permettent l'accès direct
aux répertoires.
La base est consultable dans les locaux
de l'association à Rennes et dans les
pôles associés en région. Environ
72 000 séquences sonores (pour la
plupart du répertoire chanté ou joué)
ont été répertoriées et analysées.
Mode d'emploi : Vous cherchez un rond
de Saint-Vincent ? Butinez parmi 84
documents sonores disponilbles. Vous
cherchez une berceuse ou une chanson
enfantine : le catalogue vous renverra
sur 34 documents consultables.
La base sera écoutable au CMTRA
en juillet.
Si vous voulez faire le plein de musique
bretonne, venez faire un tour au centre
pour consulter cet outil précieux.
Prendre rendez-vous au :
04 78 70 81 75
Demander Péroline Barbet
Entretien avec Jean-Luc
Ramel, phonothécaire Ã
Dastum, le centre de musiques
traditionnelles en Bretagne
CMTRA : Pionnier dans le domaine
des archives sonores, Dastum fut
l'un des premiers centres des
musiques traditionnelles en région.
Pouvez-nous nous tracer les
grandes lignes de son histoire ?
Jean-Luc Ramel : La création officielle
du centre date de 1972, mais la
pratique de collectages menée par une
poignée de passionnés précède la création
du centre. Ce sont principalement
des Bretons de Paris qui font du collectage
pour eux-mêmes, en quête de
répertoires et de techniques musicales
originales. Ils commencent à constituer
des collections personnelles puis
décident progressivement de mutualiser
leur travail, de mettre en commun
leurs enregistrements, avec en toile
de fond des réflexions plus générales
sur le collectage et sa transmission.
À cette époque, la grande partie de ce
qu'on appelle le renouveau de la
musique bretonne est calée sur les
répertoires sortis tout droit des disques
d'Alan Stivell. Il y a aussi un formatage
généré par les musiques d'ensemble,
ce qu'on appelle les bagadoù
qui valorisent des instruments comme
le biniou braz (une cornemuse écossaise
arrivée dans les années 50, qui est
devenue emblématique de la Bretagne
dans les défilés de bagad). C'est une
esthétique musicale presque militaire
avec le marché-au-pas et les costumes
qui ressemblent à des uniformes ... on
était loin des jeux traditionnels.
Au fil du temps, ces collecteurs ont
rassemblé leurs enregistrements, les
ont organisés et ont fait des analyses
de leur contenu pour les mettre à disposition
d'autres gens.
Au départ
c'était quelque chose sans beaucoup
de moyens, mené par des bénévoles,
mais assez vite, il y a eu un vrai lieu
public.
La grande étape pour Dastum
et pour une grande partie du mouvement
culturel breton, c'est la charte
signée en 1978 entre l'Etat et les 5
départements, reconnaissant des spécificités
culturelles et donnant des
moyens aux associations oeuvrant dans
ce secteur avec pour conséquences
directes, davantage de moyens et l'embauche
de premiers permanents ... et
le début d'un vrai centre de ressources
ouvert au public.
Dès le départ deux
idées priment : l'accès direct aux fonds
et la possibilité de repartir avec la
copie des enregistrements. Puis l'association
connaît une montée en puissance,
elle dispose de plus de locaux,
de plus de personnel et profite des
avancées technologiques.
Les activités de l'association, si elles
portent sur plusieurs niveaux, sont
assez spécialisées, pouvez-vous nous
expliquer cette orientation?
Assez vite, vu le foisonnement de la
scène actuelle en musiques traditionnelles
ou d'inspiration traditionnelle
en Bretagne, l'énergie de Dastum ne
s'est pas portée sur la diffusion ou
même la formation.
Dans le petit
monde de la musique bretonne, Dastum
est loin d'être le seul acteur. Nous
sommes dans un créneau très spécialisé
mais d'autres structures oeuvrent
dans des champs complémentaires.
Dastum a sa place dans cet ensemble
comme un centre de ressources de
conservation et de circulation des
archives sonores. Les autres dynamiques
sont portées par les associations
ou les individus sans que Dastum
ait besoin de s'y investir, comme dans
les domaines du spectacle vivant, la
formation, la fabrication d'instruments,
ou la tournée d'artistes locaux
comme le font d'autres centres en
région.
Pourquoi cette importance accordée
aux témoignages sonores ?
C'est un lien privilégié à la matière traditionnelle
car on a accès directement
à la voix des personnes, aux intonations
et aux intentions. Ce n'est pas
désincarné, c'est une transmission
incarnée. D'autre part, ce sont des
supports au service de la création et de
la connaissance. Le constat de départ,
c'est un constat de fragilité et de perte,
et le besoin de garder traces de choses
qui allaient disparaître si un travail
n'était pas fait. Les derniers porteurs
de traditions disparaissaient et l'on ne
voulait pas qu'il y ait une rupture dans
la transmission.
La question de la
transmission est centrale chez Dastum.
Le but dès le début, ça a été de rendre
accessible et de transmettre afin que
cette culture immatérielle puisse continuer
à vivre. C'est pour cela que les
gens peuvent consulter les archives et
en faire des copies, il est important
qu'ils puissent se réapproprier ce patrimoine
qui fait partie de leur identité.
L'archive sonore, ce n'est pas simplement
un matériau pour la science et
l'étude, c'est un support pour la
construction de l'identité. Après, c'est
aux gens de se réapproprier ces
sources de façon charnelle et personnelle,
pour faire de la réinterprétation
selon les canons de l'esthétique traditionnelle,
mais aussi pour la création,
dans une dynamique d'échanges avec
d'autres répertoires populaires ou
modernes.
Quel type de public avez-vous ici ?
Au départ Dastum a été créé par des
musiciens pour des musiciens, par
conséquent une bonne partie de notre
public est faite de musiciens en
recherche de répertoires. On est lÃ
pour ça, mettre à disposition des
sources qui puissent être rechantées,
rejouées et réinventées.
L'autre partie
de notre public est constituée de chercheurs
de musicologie en sciences ou
en histoire, mais c'est plus marginal.
Quels effets directs cela a pu avoir
sur les pratiques musicales ?
Quand on compare avec d'autres
régions, on constate une exception
bretonne dans la pratique des répertoires
au niveau de la France, et j'irais
même jusqu'à dire au niveau européen.
Il y a en Bretagne une vraie pratique
de chant et une pratique de la
danse, populaire, qui est loin de tout
folklore. C'est resté très vivant. Dastum
n'est pas la cause de tout cela,
mais d'une certaine façon, y a quand
même participé.
En Bretagne, il n'y a pas eu de rupture
trop décisive comme il y a pu
avoir dans certaines régions, où les
répertoires se sont reconstruits à partir
des écrits et des recueils constitués
à la fin du 19ème. En Bretagne, la tradition
a duré plus longtemps et le travail
de collectage issu du mouvement
revivaliste et associatif s'est fait plus
tôt.
Quand les gens de Dastum ont
commencé à travailler, il y avait une
pratique instrumentale assez forte. On
n'est évidemment plus dans le
contexte rural traditionnel mais
« transmission, patrimoine familial,
patrimoine artistique breton », ce sont
des mots que les gens comprennent
parce que beaucoup d'entre nous ont
un grand-père ou une grand-mère qui
parle le breton, qui ont chanté ou
chantent encore.
Quels sont les outils du centre pour
propager ces répertoires et pour
hausser le niveau de la création dans
ces esthétiques?
Il y a d'abord un centre d'archives qui
a pour mission de sauvegarder les
fonds déposés sur un plan technologique,
car ces supports s'endommagent
avec le temps. Les numérisations
ont commencé à Dastum il y a 8 ans,
des bandes magnétiques, nous ommes
passés à des supports numériques plus
pérennes et maniables.
Il y a ensuite une mission de mise Ã
disposition publique de ces fonds.
C'est dans ce cadre-là qu'intervient le
travail documentaire de reprise
d'informations données par les collecteurs
et un travail complémentaire
d'analyses. Les documents sonores
sont alors compressés pour être mis en
consultation directe dans les pôles
associés de Dastum.
Nous avons aussi
sur le site internet, un panorama avec
de nombreux extraits sonores de la
musique bretonne avec une présentation
détaillée des musiques, des danses
et des instruments, de l'histoire de l'intérêt
pour les musiques populaires.
Quels sont les projets de collectages
menés actuellement, il y en a
semble-t-il encore beaucoup ?
Le collectage est une pratique ancrée
dans la culture Dastum, c'est une
affaire personnelle et individuelle et la
plupart des gens qui sont actifs dans
l'association sont des collecteurs
(membres du CA, fondateurs). Ce
n'est pas une activité périphérique,
c'est comme une marque de fabrique
de la maison, même si aucun n'est
salarié par le centre pour mener ce
travail.
Il y a plusieurs dizaines de
collecteurs actifs en ce moment en
Bretagne avec des volumes qui vont
de dix à plusieurs centaines d'heures.
Il y a toujours de la matière qui rentre
au centre. Sans penser à tous ceux
qu'il faut convaincre de nous déposer
leurs fonds et aux prospections Ã
mener autour des documents familiaux
et associatifs en péril.
Propos recueillis par P.B.
Retrouvez Dastum dans la [lettre n°54->article272]