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Chanter du Trad'

Désuets ? Archaïques ? Déconnectés? La confrontation des textes de nos chansons traditionnelles à un public de néophytes est parfois difficile et conflictuelle. Parce qu'elles heurtent nos consciences contemporaines, parce qu'elles semblent ne parler toujours que des mêmes thèmes, ou parce qu'elles utilisent des codes poétiques usités et décontextualisés.

Si les chanteurs actuels de langues régionales (chanteurs occitans ou bretons) ont un rapport un peu plus décomplexé avec ces répertoires, la réinterprétation des textes des chansons traditionnelles de langue française paraît de prime abord moins évidente et se rencontre moins sur nos scènes, dans nos bistrots.

Comment les textes de sociétés révolues (les sociétés traditionnelles rurales) peuvent-ils entrer en résonance avec nos imaginaires contemporains ? Quels en sont les enjeux poétiques et politiques ?

S'ils constituent des témoignages précieux d'un passé révolu, réactualisé par le présent de leur énonciation, sont-ils condamnés à ne rester que des curiosités reflétant les valeurs d'une certaine caste ou d'une certaine époque ?

Car dans ces textes, les thèmes traités ne sont pas les moindres ; peines d'amour, infanticide, perte du pucelage, viol, guerre, rapports de classes et de sexes, et tout cela chanté sous le règne de l'équivoque, de la métaphore, du non-dit et souvent, de l'humour. Que nous disent ces chants en feignant l'innocence ?

Témoignages croisés de chanteurs qui revendiquent ces répertoires tout en se jouant d'eux et s'y frayent des itinéraires singuliers.






Il m'est impossible de disjoindre les textes des mélodies qui les supportent.

L'un des miracles de la chanson traditionnelle repose, me semble-t-il, sur les relations particulières entretenues entre la musique et les paroles : à la fois leur extrême adéquation et les possibilités de combinatoires.

La grande spécificité de ces chansons, c'est précisément cette « malléabilité » de la forme et son existence sous forme de multiples variantes. C'est aussi sa relation à la danse. Elle permet à chaque interprète de se réapproprier chaque chanson en construisant sa ou ses propres versions.

Aussi, je ne me suis jamais senti esclave des versions proposées par les collecteurs ou les chanteurs traditionnels, mais j'ai appréhendé la chanson traditionnelle comme un territoire libre. C'est une des rares expressions musicales et poétiques qui le permettent.

Ces chansons nous les portons en nous, nous les façonnons et les refaçonnons sans cesse ; elles vivent dans notre mémoire et dans notre souffle, dans une familiarité de chaque instant. Le côté archaïque ou désuet ne me pose aucun problème.

Toute poésie repose sur des formes d'énonciation précises et porte nécessairement l'empreinte de ses origines et de son époque : ici des formules, des tours de langage, des thèmes qui en font tout le charme et auxquels il faut s'abandonner pour en percevoir l'intérêt. Je comprends que cela puisse bloquer parfois le public mais aurait-on l'idée de reprocher à François Villon décrire dans la langue d'un étudiant parisien du XVème siècle ?

En fait, il y a un malentendu fondamental : on demande à cette chanson d'être ce qu'elle n'est pas. Ce n'est pas de la chanson ou de la poésie contemporaine, ce n'est pas de la chanson « d'auteur ». Ce n'est pas non plus de la « musique ancienne », car les rapports que nous entretenons avec elle sont tout autre. Elle nous est parvenue, encore vivante, à travers des personnes, des rencontres, des filiations.

Bien entendu, elle a été façonnée par un milieu qui a disparu, mais dont nous avons perçu les derniers signes et recueilli les témoignages. Il est donc vain de lui reprocher d'être marquée par une civilisation et des milieux populaires dont elle a longtemps été l'une des seules formes de poésie. Elle propose d'ailleurs l'expression d'une culture populaire réellement partagée : en cela, elle est un exemple pour aujourd'hui. Hors de la prise du temps, elle constitue un élément de notre culture contemporaine et de notre langue, un héritage commun à préserver et surtout à pratiquer.

Le fait de chanter en français met à nu l'interprète d'aujourd'hui : il doit l'incarner totalement et transmettre l'émotion qu'il ressent en la chantant puisqu'on le comprend.

Enfin, à travers ses formes et ses clichés, elle développe des thèmes et des sujets qui me paraissent toujours actuels - parfois cruellement actuels : les relations hommes-femmes, la guerre...

La liberté que je revendique plus haut m'autorise à choisir les chansons que j'ai envie de chanter, donc de trier, de modeler les versions pour me construire un répertoire qui me soit propre : c'est là que m'apparaît, en réalité, la véritable proximité avec les anciens chanteurs traditionnels.

Ainsi, la chanson traditionnelle francophone se présente à nous, de prime abord, sous un côté impersonnel qui permet paradoxalement à l'interprète d'aujourd'hui de la faire sienne. Jean-François Dutertre

Chanteur et instrumentiste,

Jean-François Dutertre a participé activement au mouvement folk (chanteur du groupe Mélusine) et effectué des enquêtes au Québec, dans les Vosges, dans le Massif central sur la chanson traditionnelle francophone et les traditions populaires instrumentales (Epinette des Vosges et violon)

Dernier album : Chansons traditionnelles de Normandie, Buda Music La question du texte est parfois problématique.

Pour moi elle n'est apparue que bien longtemps après avoir été fasciné par l'écoute de chanteurs traditionnels qui, par la force de leur interprétation, nous emmenaient bien au-delà des mots. Surtout lorsque la transe s'élevait du mouvement dansé, cet élan primait largement sur le texte qui la soutenait et nous nous surprenions en train de répéter sans fin des refrains sans queue ni tête ... Il y a là quelque chose d'unique que l'on ne retrouve que dans d'autres traditions.

Ce qui est beau, pour moi bien évidemment, réside dans la nudité de la monodie, dans cette simplicité qui justement fait peur à bien des interprètes. C'est cette façon qu'a le chanteur traditionnel de se mettre au service de sa chanson qui nous fait oublier totalement ce que l'on peut, par ailleurs, qualifier de désuet.

Encore que, l'aspect désuet, décalé, de certaines bergerettes et autres amants éconduits me soit parfois apparu chez ceux qui cherchaient à habiller de polyphonies savantes, des ritournelles qui s'en trouvaient ridiculisées. Je crois aussi que ce matériau, comme on aime à dire, supporte beaucoup de réappropriation jusqu'au moment où ça casse.

Si le décalage qui existe entre notre monde actuel et le monde qui les a vu naître, est constitutif de notre rapport à cette chanson, il faut néanmoins se libérer des sous-entendus et des conventions, (notamment de l'aspect moral que l'on trouve si souvent) auxquels nous ne participons plus, pour avoir accès plus facilement à la musicalité (modalité, monodie, échelle tempérée ou non) ou à une lecture au second degré du texte présenté, pour découvrir avec bonheur la malice de nos anciens auteurs.

Tout cela ferait de nous des sortes d'ethno-interprètes, si nous ne réussissions à recréer une convivialité, un partage, autour d'un bien commun hypothétique, un « même » qui nous rassemble.

Il reste que pour ma part il y a toute une série de textes que je ne peux chanter, je n'ai jamais réfléchis si c'est plus du fait du texte ou de la mélodie sans saveur qui les porte. C'est ainsi que les maris trop petits et autres moqueries ne trouvent grâce à mes yeux que pour soutenir la danse.

Pour la mélodie je sélectionne avec soin l'histoire d'amour, ou les meurtres les plus infâmes à condition qu'ils soient servis par une belle écriture. Quand, enfin, on veut bien regarder comment sont construits ces textes, force est de reconnaître que nous sommes en présence d'une réelle stylistique qui présente de véritables chefs d'oeuvre.

Si après cela certains d'entre vous s'attardent à me dire que : « derrière chez leur père il n' y a aucun lilas de fleuri » j'en serai, par ma foi, fort marri. Qu'ils y regardent de plus près... Charles Quimbert

Chanteur collecteur, il commence à chanter au début des années 1970 mais c'est à partir de 1990 que s'intensifie sa pratique du chant de Haute-Bretagne en lien avec de multiples rencontres et influences dues à son important travail de collectage mené sur l'ensemble du pays gallo.

Formations : Trio Brou-Hamon-Les six tronc, il chante aussi avec la violoncelliste Gaëlle Branthonne.

Dernier disque : BHQ : Garçon Sans-soucis


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