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Frères de Sac

Avec Jean-Loup et Christophe Sacchettini, la scène grenobloise s'enrichit d'un nouveau groupe atypique. Rencontre avec ce sympathique boys band. CMTRA : Deux frères qui jouent ensemble, c'est un peu normal: la maison Sacchettini résonnait déjà de vos premiers duos lorsque vous étiez tout petits ?

Jean-Loup Sacchettini : Ta question tombe à point, parce qu'il m'est toujours agréable de constater que rien n'est jamais donné par principe. Christophe est un bon cru de la filière classique : entré à 4 ans au Conservatoire en flûte à bec et 10 ans d'étude ; un peu hors norme tout de même à la sortie par l'éclectisme de ses goûts et ses monumentales capacités d'adaptation. Mon cheminement a été plus tortueux : un peu de flûte à l'école, 3 ans de hautbois au Conservatoire - un instrument choisi au hasard ! ­ jusqu'à ce que je le perde carrément ! Simplement pas intéressé (mais quelques bases primordiales). Mon père s'est mis au diato quand j'avais 12 ans, j'ai essayé: toujours pas intéressé 19 ans, étudiant à Grenoble, avec du temps, je tombe sur Nono (Norbert Pignol qui jouait dans Dédale avec mon frère) : le déclic. J'essaie depuis de rattraper un peu du temps perdu.

Donc, pas de duo précoce ni de mythe glorieux et simplificateur cette fois : Olé ! Christophe Sacchettini en incise, envoyé spécial en vacances aux Polyphonies de Calvi (Bahamas) : Nos premiers duos ? Ses cris quand je lui tapais dessus ! Blague à part, notre père chantait ou sifflait très joliment des petites choses toutes simples, genre Brassens ou n'importe quel air de variété haut-de-gamme de l'époque qui lui tombait sous l'oreille. Quant à ma mère, elle écoute encore maintenant du baroque, du classique ou de l'opéra à peu près toute la journée. Il nous a fallu l'un après l'autre, sous peine de schizophrénie, chercher un territoire où nous soyons les maîtres ! CMTRA : Quand et pourquoi avez-vous décidé de vous produire sur scène ensemble ?

J-L.S. : Quand et comment ? Je me suis jeté sur scène dès mes premiers morceaux appris au diato, a fortiori quand j'ai commencé à pondre quelques compositions. Christophe étant du genre à jouer sur tout ce qui bouge (et à toute heure !), et à me pousser quand j'avais plutôt envie de m'enfuir (le sens de la Famille ? mes compos ? une baffe quand j'étais tout petit à se faire pardonner ?), on s'est donc régulièrement retrouvés tous les deux aux bals et scènes ouvertes de 5h du mat, (Nuits du Folk) de l'ADAEP. On s'est officiellement mis au travail il y a deux ans à l'occasion d'un bal pour nos stagiaires du Collet d'Allevard (chaque année au mois d'août). Pourquoi ? Des goûts communs, les miens ayant été tout de même largement influencés par les siens.

C.S. : Moi ? Mes premiers émois à 11 ans pour Tri Yann, puis Alan Stivell, la Bamboche et surtout Malicorne, comme tout le monde, entre autres pour les mélodies qui sonnent : celles qui te mènent par l'oreille tout au long du morceau, tout en évitant les pièges : trop évidentes du genre "mes doigts jouent tout seul" (Trad Mag a un peu tendance à entretenir ce style gnan-gnan avec certaines de ses partitions mensuelles), trop compliquées (du genre "je sais faire beaucoup de notes, mais je n'ai pas la discipline suffisante pour arriver à la beauté de la simplicité"). Bon, je sais, "l'art est difficile, etc". Mais c'est bien là notre pari (si l'on fait exception de certaines danses d'animation très cons mais somme toute assez amusantes). Un petit goût pour le risque aussi : en duo, tu n'as quasiment aucune protection ! C'est très dur (en tout cas pour moi), mais tellement vivifiant ! Des obligations morales aussi: on adore le breton, mais impossible d'en danser dans la région, personne n'en joue (sauf BZH). On s'y est donc mis, avec délectation, pour une partie de notre répertoire, modulable d'ailleurs en fonction du contexte. CMTRA : Votre répertoire est-il fait de compositions ou de références à la tradition, et si oui laquelle ?

J-L.S. : Notre première base, inébranlable, reste la danse, avec en filigrane le fantasme du bon musicien de bal (selon moi) : pouvoir danser sur ce que l'on est en train de jouer ! En cela, même si notre "son" n'est pas traditionnel (diato / flûte ! ! ?), notre souci de respect du style est sincère et on s'appuie avec plaisir sur l'avis de gens pleins de savoir et d'humilité comme Geneviève Chuzel. Notre répertoire est celui d'un bal folk assez standard, axé sur le Centre France, avec une partie variable sur la Bretagne. Pas de Poitou ou Provence dont l'accès au répertoire est moins aisé et dont les danses nous sont moins familières. Sur l'origine des mélodies, pas d'a priori ; nos critères sont ceux dont j'ai parlé plus haut. Beaucoup d'airs traditionnels sont impeccables et on les reprend allègrement. On puise ensuite ponctuellement quelques perles dans le fond des groupes qui nous sont chers : Blowzabella, La Bamboche, Ti Jaz (du temps de Lasbleiz au diato), Bleizi Ruz, Sonerien Du (les premiers disques) et on agrémente enfin avec mes compos.

C.S. : Il se trouve qu'il y a dans la région un certain nombre de ces musiciens-compositeurs dont parlait Jean-Loup, certains jouissant d'un héritage spécifiquement traditionnel, d'autres non, capables, quand ils s'en donnent la peine, d'écrire de ces mélodies sur cinq notes qui deviennent soudain pour toi comme le palais du Facteur Cheval : entre autres Daniel Gourdon, Norbert Pignol, mon frère Jean-Loup, Eric Montbel. J'ai de la chance : je travaille avec les trois premiers. Quant au dernier, il est très occupé, je crois ! CMTRA : Avez-vous le projet d'ajouter à votre duo d'autres musiciens ?

J-L.S. : Surtout pas ! La création spontanée de ce duo a répondu à une attente précise : la légèreté, à plusieurs niveaux. Christophe commençait à fatiguer des groupes "prises de tête" (dans lesquels beaucoup de choses sont faites sur papier), et j'ai moi-même toujours évité de me relancer dans une dynamique de groupe après l'échec d'Eclys. Le travail de groupe empièterait trop à mon goût sur mon travail personnel sur l'instrument, dont j'ai vraiment besoin (à l'inverse total de mon frère, le saligaud !), d'autant plus que je dois passer du temps sur mon nouveau diato, un "Gaillard" un peu spécial : clavier Pignol/Milleret à droite, mais 18 basses chromatiques unisonores (pas d'accords) à gauche. Cela ne veut pourtant pas dire que l'on délaisse les arrangements, bien au contraire. A un autre niveau, beaucoup d'organisateurs recherchent bien sûr la légèreté de coût Eh bien, nous voilà ! Cela dit, on a plein de copains qui jouent très bien et qu'on invite quand l'occasion se présente, à chaque fois avec grand plaisir. Le mélange accordéon diatonique / flûte ou cornemuse laisse de la place pour bien d'autres timbres, comme pour le bouzouki de Jean Banwarth, qui nous a soutenus à la Nuit Celtique, au Grand Angle de Voiron. CMTRA : Où en est la scène folk à Grenoble ?

J-L.S. : Réjouissante, sauf entre l'ADAEP et MusTraDem, dont les rapports touchent à la phase glaciaire. Mais il se passe tant de choses : les autres associations des alentours (Ensemaille, St-Egrève) ; la Nuit Celtique au Grand Angle de Voiron qui redevient Nuit du Folk dès l'an prochain ; la symphonie mustradémienne "les Moments du Temps", en phase de financement ; les ateliers de danse de Geneviève Chuzel; le Cabaret Frappé, excellente manifestation estivale qui ouvre larges ses portes à la scène trad. ; peu de rapports avec les communautés issues de l'immigration (c'est plutôt du ressort des Barbarins Fourchus) ; et un petit travail sur le bal chanté qui commence enfin à éclore par-ci par-là ; nous avons par ailleurs une Coordination des Professionnels du Spectacle qui assure des permanences les lundis et jeudis après-midi au 71 rue St-Laurent, et des réunions le lundi soir. Avec les attaques répétées du patronat contre le statut des Intermittents du Spectacle, le (bon ?) temps sera bientôt loin où on pouvait dire aux créatures affriolantes : "Viens à la maison, j'vais t'montrer mes Assedics !". Battez-vous, cher Public, pour défendre ce et ceux que vous aimez, l'art est militant. CMTRA : Un projet de CD pour les Bag Brothers ?

J-L.S. : On est bien sur très attirés, et on a de la demande. Mais les risques artistiques sont gros, car ce travail est vraiment différent de celui de la scène, surtout pour un duo. Notre léger manque de temps actuel nous aide donc par ailleurs à faire mûrir un peu tout cela. Je termine en signalant l'excellent travail (pour moi) du groupe Kordévan, qui a pour objet la "musique traditionnelle d'inspiration contemporaine"!) et cisèle avec une certaine maîtrise des arrangements de toute beauté sur des mariages de timbres subtils à base de cordes, au service exclusif d'un concert acoustique. Un groupe qui devrait tourner plus que ça ! Propos recueillis par E.M. Frères de Sac en bal

Vendredi 27 octobre , à l'ADAEP

Samedi 18 novembre , au Subdray, près de Bourges (EDMT)

Vendredi 22 décembre, à l'ADAEP Renseignements

Frères de Sac

Jean-Loup SACCHETTINI

Appt 7502 - 150 galerie de l'Arlequin 38100 Grenoble

Tél : 04 76 33 81 68


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