Entretien avec Gaguik Mouradian
Festival Est-Ouest : Quand avez vous débuté comme kamantchiste et quelle formation avez-vous ?
Gaguik Mouradian : J'ai débuté à l'âge de treize ans. Peut-être allez-vous me demander pourquoi si tard ? C'est parce qu'avant cela j'étais footballeur. Ce n'est qu'aprés avoir regardé le film "Sayat Nova "de Sergueï Paradjanov, que j'ai aimé le kamantcha. J'ai écouté le son, cela m'a beaucoup plu et j'ai voulu en jouer. Je peux dire que je suis devenu kamantchiste, parce que c'est Dieu qui l'a voulu. J'aime beaucoup le kamantcha, je me suis consacré à lui, et je le considère comme un instrument bon, très honnête et beau.
En ce qui concerne ma formation, j'ai fait mes études au Conservatoire National de Yérévan. J'ai joué avec presque tous les groupes arméniens. J'ai fait des tournées dans plusieurs pays d'Europe, aux États-Unis, au Canada.
FEO : Où avez-vous exercé comme kamantchiste ?
G.M. : J'ai travaillé dans l'Ensemble des instruments philarmoniques, dans l'Ensemble des chansons nationales des goussans (nom de ces anciens troubadours), dans l'Ensemble de la danse et de la chanson comme chef de la partie musicale.
J'ai enseigné le kamantcha aux jeunes générations pour que l'instrument continue d'exister. En effet, en Arménie aujourd'hui il y a peu de personnes qui veulent apprendre à jouer du kamantcha. Les parents n'encouragent pas leurs enfants parce qu'ils trouvent que cela ne leur apportera pas d'avenir professionnel.
FEO : Que pouvez-vous nous raconter sur le kamantcha, instrument national arménien ?
G. M. : Le kamantcha est un instrument très répandu dans les pays de l'Est. Donc, on peut dire que c'est un instrument oriental. En ce qui concerne l'Arménie, le kamantcha y est répandu depuis si longtemps, qu'il est même impossible de s'en rappeler. Selon les informations qui nous sont parvenues, le kamantcha est apparu en Arménie au dixième siècle. A l'époque c'était un instrument très aimé en Arménie. Vous savez, comme nous avons Sayat-Nova, un troubadour arménien qui jouait du kamantcha, nous nous permettons de le considérer comme un instrument arménien, mais comme c'est un instrument oriental, tous les peuples de l'Est peuvent dire que le kamantcha est le leur.
Jusqu'en 1909, le kamantcha avait trois cordes, mais en 1910 le virtuose kamantchiste arménien Hovhannes Hovhannissian lui a ajouté la quatrième corde, pour que les possibilités techniques augmentent et pour qu'on puisse jouer des choses plus difficiles, plus complexe. A l'époque des troubadours il y avait un concours, appelé "medjlis "où les troubadours arméniens trouvaient un grand succés. C'est pourquoi les chahs perses invitaient toujours les kamantchistes arméniens pour qu'ils jouent pendant leurs soirées.
FEO : Et à votre avis, y a-t-il des liens entre la musique traditionnelle arménienne et le kamantcha ?
G.M. : Dans la musique traditionnelle arménienne le kamantcha est plutôt dans l'oubli, parce que c'est surtout le doudouk, le tar, le saz, le dhél qui sont venus des profondeurs des siècles comme des instruments traditionnels et ils étaient mieux pour la musique à chanter et à danser. Le kamantcha accompagnait souvent une autre musique et on n'en jouait pas seul.
Et puis, peu à peu le kamantcha s'est répandu dans le peuple et il est devenu traditionnel comme les autres instruments. Par exemple, le fameux compositeur arménien Aved Derderian a utilisé le kamantcha dans sa Cinquième Symphonie. Et moi, je vais bientôt jouer du kamantcha dans la représentation de "Dom Juan ".
FEO : Est-ce que le kamantcha est un instrument dont on peut jouer en y introduisant des improvisations ?
G.M. : Oui, bien sûr, on peut jouer du kamantcha avec des improvisations sans fin. Mais cela dépend surtout du joueur.
FEO : Et à quel degré cela est exprimé chez vous ?
G.M. : Je peux jouer du kamantcha en improvisant sans cesse. Et puis, je le préfère, en plus, je trouve qu'il est mieux de jouer avec les improvisations, parce que c'est plus apprécié par les peuples de l'Est. Et enfin, c'est beaucoup plus joli et intéressant.
Propos recueillis par Alice Azatkhanian et Nelly Minassian pour le festival Est Ouest
Programmation Festival Est Ouest
L'ARMÉNIE
du 5 au 15 octobre à Die (26)Vendredi 6 : Die (26) Cathédrale, Musique, voix et sons d'Arménie. Voix et musiques traditionnelles : concert unique, désiré et composé par Hasmik, Alexan et leurs musiciens, Gaguik Mouradian et Les Goussans, Edouard Zorikian, Armen Karapétian, Nelly Harutunian, le groupe Vostan Hayot
Samedi 7 : Saillans (26) 20h30 - Shoghakn : duo de chanteurs et quatre musiciens. Concert avec la participation amicale d'un groupe folklorique de Vienne et avec l'association Vivre à Saillans.
Samedi 14 : L'arbre de Vie, à 16h30, Atelier chant : échange de voix et de mélodies entre une chorale et le groupe Shoghakn Mirabel et Blacons - Gratuit Château, à 20h30 - Musique au château, Hasmik et Aleksan Harutiunian et le groupe Shoghakn Cathédrale, à 21h00 - Concert de clôture, voyage musical de l'Arménie à la Sibérie pour continuer.
Renseignements
Festival Est Ouest
Tél : 04 75 22 12 52
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