Valsepareille
en concert à la MJC de Louis Aragon, Bron (69)
Entretien avec Anatole Benoît
CMTRA : Anatole, on se souvient de ton aventure au sein du groupe Le Claque-Galoches il y a un certain nombre d'années (!) . Après une période un peu plus discrète, tu reviens avec ce groupe, "Valsepareille".
Anatole Benoît : Il est vrai que j'ai été musicien professionnel pendant un certain nombre d'années. J'ai arrêté pour terminer mes études d'architecte. Je commençais à avoir une famille, il fallait être sérieux ! J'exerce depuis 1985 : au départ ce métier a été dur car j'ai dû me couper du milieu professionnel musical.
Heureusement j'ai développé des outils informatiques dans le domaine de l'architecture, qui m'ont passionné et m'ont permis de canaliser un peu ma frustration artistique.
J'ai remonté un petit groupe "Cumulo-nimbus" au milieu des années 90. Mais en 1992, j'ai eu un problème à la main gauche, une sorte de tendinite. J'ai donc dû arrêter Cumulo-Nimbus. J'ai décidé tout doucement de reprendre un petit instrument dont j'avais joué, il y a fort longtemps, au tout début du Claque-Galoche : le concertina. On a redémarré de nouveau au point mort en juin 1995, avec Gérard Chazot, on était prêts pour monter un groupe. L'idée, c'était de ne jouer que des compositions et d'écrire en s'inspirant des textes traditionnels. On est partis là-dessus, et finalement on a fait une dizaine de concerts. Valsepareille a vraiment démarré ici même, dans ce restaurant de "la Crèche "où nous sommes en train de déjeuner!, sur le plateau de la Croix-Rousse.
Nous avons rencontré le troisième musicien de Valsepareille : Stéphane Mauchand. En mai 1997, on a donc commencé à jouer ensemble : Et en même temps, ma main gauche a bien voulu se remettre à fonctionner. À l'aide de deux kinés, et d'un gros coup de travail, j'ai pu refaire fonctionner mes doigts. Valsepareille a donc vraiment pris son envol , en mai 97.
CMTRA : Valsepareille sonne beaucoup plus "intimiste "que les groupes avec lesquels tu jouais jusqu'à présent ?
AB : Je ne suis pas totalement d'accord là-dessus. C'est vrai que la formule à trois produit une musique moins puissante : ainsi j'avais déjà joué à trois avec Jean-Pierre Yvert à l'accordéon et Yves Drouet au violoncelle dans le groupe Nacken. Cette musique était très intimiste alors que la musique de danse du Claque-Galoche était plus étoffée. Mais Valsepareille joue tout de même avec pas mal d'énergie. Le fait d'abandonner la musique de Bal et d'aller vers la composition change l'esthétique du groupe. Les airs composés, les impros, nous conduisent vers une musique plus légère, mais avec la pêche.
CMTRA : Reconnais-tu les influences des groupes franco-flamands de l'époque folk : je pense par exemple à Rum. Sont-ils tes inspirateurs pour la composition ?
AB : C'est vrai, au niveau du son, Rum c'était vraiment bien ! Je pense notamment au violoniste, qui joue avec une certaine influence à la fois de jazz et classique. Il fut et reste sans doute un de mes grandes références. D'ailleurs Valsepareille n'est pas un groupe de bal, malgré ce que notre nom suggère. La plupart de nos musiques sont composées, notre concert dure une heure environ .
Notre ambition, c'est de pouvoir faire de la musique de bal de la même manière, en allant vers la composition.
CMTRA : Tu sais qu'il existe une "Grenoble connexion", autour des groupes de Mustradem ou de l'ADAEP, une scène très vivante et connectée. Tu animes par ailleurs le Folk Club de Couzon-au-Mont-d'Or, "le Bec à Sons": Est-ce que cela engendre une pratique musicale, des liens amicaux qui pourraient déboucher sur un réseau similaire ?
A.B. : C'est sûr qu'autour du Bec à Sons, il est en train de se passer quelque chose. On est très loin de la scène de Grenoble, mais ce serait vraiment sympa qu'il y ait cette espèce de cercle artistique. J'aime beaucoup l'idée de café philosophique comme cela existe dans certaines grandes villes. Le Bec à Sons, cela marche comme ça.
Valsepareille a existé avant le Bec à Sons, mais depuis il s'est formé un autre groupe, "Bois Sec", avec notamment Patrick Raffin. Plein de gens se sont mis à jouer à Couzon et aux alentours, et c'était le rôle du Bec-a-Sons. J'en suis très content, mais que cela crée une unité artistique, cela reste à voir ou à venir...
CMTRA : Un projet de disque vous conduira vers la professionnalisation ?
A.B. : J'ai longtemps pensé que l'on ne pouvait pas faire cette musique de manière correcte sans être professionnel. Aujourd'hui mon point de vue est un petit peu différent. Valsepareille est composé d'un instituteur, d'un graphiste et d'un architecte, et vient d'être rejoint par une assistante sociale !
Amateurs, "amateurs éclairés" comme nous espérons l'être, comporte le défaut de nous empêcher de jouer très loin, ou de faire des tournées. Mais puisqu'on a décidé de jouer dans un seul groupe, de cibler un seul projet, il est possible techniquement de rester amateurs, en espérant avoir la qualité des professionnels. Mais être amateur, ça a aussi une qualité, celle de nous permettre la prise de risque, sans souci du regard critique. Peut-être n'aurions-nous pas osé nous diriger vers la musique composée avec la même liberté si nous étions des professionnels.
En effet, dans le milieu des musiques traditionnelles, il faut parfois coller à une étiquette, correspondre à un cadre, et certains professionnels ont peut-être peur d'échapper à ce fameux cadre. Les contraintes économiques auxquelles il faut correspondre, le marché qu'il faut rechercher, ici le problème ne se pose pas.
CMTRA : Valsepareille va donc quitter le trio pour devenir un quatuor ?
A.B. : Le trio correspond au concert pour l'instant. Pour ce projet de Bal sur des musiques composées, composées je l'espère bientôt seulement par nous, il nous semblait qu'il manquait un accordéon. On l'a rencontré, il s'agit de Sophie Bossi : elle a le "swing grenoblois", un son unique, et on a déjà joué ensemble quelques fois, comme par exemple ici à la Crèche . Le groupe vise une existence régionale dans en premier temps, mais un disque, oui on y pense. Si nous enregistrons, ce sera dans la région.
CMTRA : Vous jouez souvent ici, dans ce restaurant : dans quel contexte ?
A.B. : Eh bien souvent le vendredi ou le samedi soir, en s'installe ici, et le chef, qui est un copain, prépare des moules frites, et on joue. On joue en concert, on joue en animation, et ensuite les gens dansent. C'est annoncé dans le quartier, le quartier d'Austerlitz, où les habitants se surnomment les "Austerlitziens". C'est une vraie entité culturelle ici, autour du Diable Rouge, un brasseur, marchand de bières qui alimente aussi notre Folk-Club.
C'est dans cette petite entité culturelle croix-roussienne qu'on existe, et finalement c'est là que Stéphane nous a rejoint, au "restaurant de la Crèche" où nous sommes aujourd'hui. C'est ici qu'on mange tous les jours, c'est notre quartier général, on l'anime avec les gens du quartier. En plus, dans ce quartier, il s'est passé autre chose de très sympathique. Lorsque, entre 92 et 97, je ne pouvais plus jouer de violon, j'avais prêté mon violon norvégien, un harding-spela, à Jacques Mayoud. Cela me faisait trop mal au coeur de voir cet instrument accroché au mur. J'ai toujours admiré la façon de jouer de Jacques et j'avais souhaité qu'il joue un jour de ce violon, "que le vieux violon vive". Jacques l'a gardé un an ou deux, et un jour, en octobre 97, il me l'a ramené. Dans la boîte il avait posé une petite valse, "Anatolie-Valse". Il ne m'a pas dit "tu dois jouer maintenant", mais c'est ce que cela suggérait sans doute.
Effectivement, le soir chez moi, j'ai ouvert la boîte, il y avait cinq ans que je n'avais pas touché le violon et c'est comme ça que je me suis mis à rejouer. Cette petite partition dans la boîte, c'est peut-être ce qui m'a donné le déclic. J'ai donc rejoué des valses, pareil !
Propos recueillis par EM
Samedi 21 octobre,
BRON (69) MJC Louis Aragon,
à 20h30, concert suivi d'un bal avec Valsepareille.
Renseignements
MJC Louis Aragon
Tél : 04 78 26 87 25
Contact Valsepareille:
Tél : 04 78 22 76 07