Entretien avec des
Kamenkistes, avant la
sortie de leur premier
album « CVREN »
(Rouge).
CMTRA : Vous êtes qui en fait?
Xavier Blanchot : Et bien, c'est un
quatuor, un quartet…? Il y a l'expression
« Orchestre de poche »... Souvent
on dit qu'on est d'abord des musiciens
ayant des parcours très différents...
Vous avez des parcours très différents
et vous vous êtes réunis spontanément?
X.B : L’histoire a commencé fin 2002.
La première formation est partie d’un
atelier pédagogique à l'ENM de Villeurbanne,
avec le professeur de clarinette
Pascal Pariaud.
Mais il manquait quand même
deux personnes constituantes de
l'identité de Kamenko...
E.I : Le groupe Kamenko est né après
cet atelier. Ca a tourné deux ans avec
deux accordéons, une clarinette, un
tuba et un autre percussionniste.
Ensuite, notre deuxième accordéoniste
est parti faire une école de son sur
Paris. Puis Myriam est arrivée aux percussions.
La formule à 4 musiciens
s'est figée comme ça et c’est cette formule
qui est la plus longue dans l'histoire
de Kamenko...
Le répertoire était d’abord issu de ce
qu'avait proposé Pascal Pariaud, puis
on s'est autonomisés en restant sur les
mêmes bases : D'un côté la musique
klezmer et de l'autre la musique des
Balkans, plutôt issue de Macédoine,
Bulgarie... puis, on a commencé à
trouver nos propres arrangements plutôt
que d'aller chercher comment ils
sonnent là-bas. Du coup le groupe
évolue vers un répertoire et des arrangements
plus assumés et choisis. C'est
ce qui donne le son particulier de
Kamenko.
Tu parles de Bulgarie et Macédoine,
mais les personnes qui sont
venues jouer de l'accordéon sur
l'album étaient Serbes...
E.I : Oui, la Serbie c'est plus récent.
C'est lié aux voyages dans les pays des
Balkans que je fais depuis trois ans, où
j'ai vraiment rencontré des musiciens
« du cru », et en ayant travaillé avec
eux ça m'a donné envie de faire
partager le répertoire qu'on m'a appris.
Pendant notre enregistrement ils
étaient de passage sur Lyon avec leur
groupe KAL (musiques tsiganes
de Serbie) et on a conviés les accordéonistes
à enregistrer un des
morceaux que Dragan Mitrovi m’avait
appris !
Et toi, Myriam, dans ton coin?
M.E : J’aime aussi la Macédoine avec
des petits pois frais! Ceci dit, je ne
jouais pas cette musique avant de rencontrer
le groupe. Avec Xavier, on se
connaissait via le Bus Rouge. Et voilà,
c'est parti de ça. Mon parcours vient
plutôt de la musique irlandaise et du
rock alternatif.
Loïc c'est plus « classique », non?
X.B : Il travaille au conservatoire de
Genève, et sera un jour remplaçant à
l'orchestre de Genève. Il est allé au
bout d'un cursus classique de tuba.
Après, il ne se définit pas comme étant
un musicien classique par opposition
aux musiciens non classiques. Il n'y a
pas cette frontière là, ce clivage.
Autant il va jouer dans une Batuccada
par moins 10 degrés, sous le vent…
E.I : C'est une richesse d'avoir un
tubiste qui est mélodiste. Et comme il
y a pas mal de lignes de basses dans
Kamenko, ça nous permet de jouer sur
les deux tableaux.
M.E : Il ne joue pas à l'économie, ça
c'est sûr!
X.B : Il a un jeu acrobatique.
E.I : Par opposition à quelqu'un qui se
satisfait de tenir des « pompes » rythmiques,
il explore la tessiture de son
instrument. Jouer dans les sur-aigus ou
dans les sous-graves, ça nous amène
vers le côté un peu expérimental qui
nous relie tous les quatre : explorer
dans une musique qui est cadrée.
M.E : Il y a un trait d'union entre nous
quatre, c'est cette envie de nous laisser
une échappée possible. Le mot expérimental
est peut être un peu présomptueux,
on ne fait pas non plus de la
musique contemporaine. On invente
rien, mais le fait de s'approprier le tissu
sonore et de faire une musique qui
nous est propre, ça c'est intéressant.
E.I : Ce qui me plaît dans Kamenko
c’est de ne pas chercher l'authenticité,
de dire « on joue sur tel tempo parce
qu'il s'agit de telle danse », chose que
je fais dans d'autres groupes par
ailleurs parce que c'est important de
savoir dans quelle tradition s'inscrit
une musique.
X.B : SLLLURRRP.
L’Hypocras, une boisson typiquement
Serbe. (Rires)
E.I : La musique de Kamenko pour
moi est poétique, elle donne un univers
qui est expressif, ou expressionniste,
je ne sais comment le dire... Ça
peut partir du tout petit bruit de papier
qu'on frotte à l'énorme « pouët » qu'on
fait tous les quatre ensemble.
Au final, vous gardez sur l'album
des petites plages solistes?
X.B : Le but de ces plages, appelées
« bulles sonores » c'est que chaque
musicien à tour de rôle a eu toutes les
manettes. C'est pas un propos musical,
c'est un propos humain. C’est montrer
qui on est dans le groupe, avant de
savoir pourquoi on y est.
E.I : Depuis cet été il y a une évolution
car on travaille avec la compagnie
Belouga qui monte des spectacles poétiques
à partir d'acrobaties et de jonglages,
sous une yourte mongole. C'est
quelque chose qui nous plaît de faire
partie d'un univers plus large que celui
du monde musical, qui peut englober
le cirque et le théâtre de rue. Sortir des
salles de concert et des bars, on aime !
La sortie de notre album fin janvier est
justement organisée avec la Yourte
Belouga, et des invités-surprise…
X.B : Pour finir sur un autre sujet,
Kamenko fait parti de la Fédézik (libre
fédération lyonnaise de musiciens) qui
travaille à la Friche RVI. Perséphone,
qui nous a enregistrés salle Genton est
une structure qui est née un peu en
même temps que la Fédézik. Pour Perséphone
c'est le premier album produit
et il espère bien en faire toute une floppée
dans un avenir proche... Il nous
aide, on aimerait l'aider, cet album est
un échange de bons procédés.
Perséphone distribue les groupes de
la Fédézik sur le net. Avec Kamenko,
Persephone s’est prouvé qu'on pouvait
faire un album en prises « live » avec
un studio mobile et un beau résultat.
M.E : Ce n'est pas du hasard si
Kamenko a été produit par Perséphone.
Il y a une énergie commune,
une éthique et un parti pris : la
musique se goûte, elle ne s'avale pas .
Quant à ceux qui la joue, la distribuent
ou la promeuvent, ils ne sont pas des
vendeurs de ketchup ! Plein de choses
alternatives se passent à Lyon, en sousmarin,
avec des moyens souvent limités
mais des énergies sans limitations
de vitesse. Et ça, même si on ne le voit
pas dans le paysage culturel académique,
c'est important de le dire et de
le faire savoir.
Propos recueillis par Eve Grimbert
Remerciements à Caroline Blanchemain pour l'illus
tration de l'affiche de Kamenko (en couverture).
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