Entretien avec Stéphane
Mauchand et Sedryk.
C
MTRA : Bonjour à tous les deux.
Naïal est le fruit d'une rencontre
bien particulière que vous allez
nous raconter...
SM & S : Venant de milieux très différents
(les musiques trads pour l'un et
les musiques d'avant-garde pour
l'autre), nous nous sommes rendus
compte que nous avions énormément
de références communes : les
musiques répétitives et minimalistes,
le rock, la musique baroque... Au
niveau humain, le courant est passé
aussitôt et une semaine après notre
1ère rencontre, nous évoquions déjà la
création de morceaux en commun.
Naïal est la concrétisation d'une
musique rêvée, où ressurgit une
grande partie de nos influences musicales.
C'est cette rencontre “improbable“
qui en est l'origine.
Sans restreindre chacun dans un
domaine ou un réseau fermé et
sclérosé sur lui-même, que se
passe-t'il lorsqu'un cornemuseux
du milieu "trad " rencontre un
chercheur-créateur du domaine de
la musique électronique "version
underground" ?
SM & S : A vrai dire, nous ne savions
vraiment pas à quoi ressemblerait la
musique de Naïal. Nous savions juste
ce que nous ne voulions pas faire ! Par
exemple, mettre un beat electro derrière
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un thème de bourrée, quel intérêt
?... Au fil des morceaux, nous
avons vu apparaître un ”style Naïal”,
qui nous a surpris et ravis à la fois.
SM : Sedryk a sû tirer parti du grain
particulier de la cornemuse, s'est
approprié cette riche matière sonore,
sans jamais la trahir. Les barrières qui
pouvaient encore subsister entre nos
deux mondes se sont très vite estompées.
Vous dites ne pas souhaiter
"dépoussiérer" la cornemuse mais
bel et bien proposer et développer
une "autre idée " que le champ des
possibles permet. Pouvez-vous
nous en parler ?
SM : La cornemuse n'a nul besoin
d'un quelconque ”dépoussiérage”. On
peut tenter de nouvelles aventures en
parallèle, sans pour autant rejeter ce
qui fait l'essence originelle de nos
musiques traditionnelles. Ne peut-on
prendre le même plaisir à écouter un
violoneux comme Léon Peyrat, le rock
de Led Zeppelin, ou un compositeur
contemporain comme Steve Reich ?
Confronter la cornemuse à d'autres
univers sonores transcende à mon sens
son particularisme. Sortie de son
contexte habituel, elle parle toujours
cette langue familière et étrange à la
fois.
Votre démarche est tout à fait particulière
puisque vous n'avez jamais
fait de scène, vous vous êtes plutôt
concentrés sur le travail artistique et
la création avec pour aboutissement
la sortie d'un album "Lucioles
Noires ". Parlez nous de votre
démarche de travail ?
SM & S : Nous travaillons extrêmement
lentement, peaufinant sans cesse,
rajoutant des subtilités...
Nous pouvons travailler de deux
façons : Stéphane compose un thème
et Sedryk travaille des arrangements
autour. Ou à l'inverse, Sedryk peut
amener une structure rythmique, sur
laquelle Stéphane va composer. Dans
tous les cas, nous discutons beaucoup
pour confronter nos visions des
ambiances à développer, ce qui signifie
que Stéphane a largement son mot
à dire dans le choix des samples ou des
traitements electro, par exemple.
Il s'agit réellement d'un travail
commun, en profondeur. Nous
voulions éviter le ”collage”, et au final
on peut parler d'une réelle osmose.
Quelles influences retrouve-t-on
directement dans votre musique ?
SM & S : L'album a un côté extrêmement
varié parce que nous y avons mis
quasiment tout ce que nous aimons
l'un et l'autre : musiques traditionnelles
(notamment française ou scandinave),
rock, musique acousmatique,
électronique expérimentale, musique
contemporaine répétitive... Ceci dit, il
en manque ! La musique baroque ou
ancienne, par exemple, n'apparait pas,
il faudra y songer pour l'avenir... Mais
il y a en même temps une réelle homogénéité
dans cet album, on peut peutêtre
parler d'un “son Naïal”.
L'album est une belle réussite (cf.
Chronique). Que comptez vous en
faire ? Ne vous donne-t'il pas envie
d'aller plus loin ? De le proposer et
de l'aménager sur scène par
exemple ?
SM & S : Cet album est une auto-production
en série limitée, mais un partenariat
avec un distributeur nous permettrait
d'élargir notre public...Une
version scénique serait intéressante
dans l'optique de faire quelque chose
de très différent du disque... Jouer de
la cornemuse sur des séquences préenregistrées
n'aurait rien de très excitant
alors que le champ des possibles
est immense : traitements en direct du
son de la cornemuse, improvisation
avec des samples... Mais cette formule
nécessiterait énormément de
temps et de moyens techniques, ce que
nous n'avons pas à l'heure actuelle.
Pour tout dire, nous rêvons plus du
2ème album dans une voie très différente
et nous avons déjà pas mal
d'idées sur la question...
Propos recueillis par Jean Sébastien Esnault
+ d'infos sur Naïal :
[www.naïal.com-> www.naïal.com]
[Naïal sur Myspace->http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendID=90955410]
CD en vente VPC, page 17.
Lucioles Noires, Naïal, 13 euros