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Le nouveau guide ISM-RA 2000

Entretien avec Gilberte Hugouvieux CMTRA : Gilberte Hugouvieux, voici la 6e édition du guide ISM Rhône-Alpes. Ce nouveau guide traduit-il une évolution du secteur des musiques du monde en France et en région ?

Gilberte Hugouvieux : Les dix dernières années ont été une période où l'accès et la manière de résider en France pour les étrangers ont beaucoup évolué. Malgré des lois de plus en plus dures qui rendent plus difficiles l'immigration des étrangers en France, on remarque un brassage important au niveau artistique. Il y a eu une installation d'artistes étrangers chez nous, qui ont creusé un espace ou créé des liens avec des lieux, des cafés, des communautés culturelles qui se sont affirmées et qui ont cherché à faire connaître les caractéristiques de leur culture d'origine.

C'est vrai que cette évolution sur 10 ans a attiré l'attention sur toutes les cultures émergentes portées par des enfants issus de l'immigration, mais pour la plupart nés en France, et concentrés sur le hip-hop, sur la danse urbaine, le rap, le graff, tout le théâtre improvisé, et les musiques du monde. On l'a vu notamment dans le cadre de la politique de la ville. CMTRA : Il faut préciser que votre guide ISM travaille non seulement sur la musique mais sur la culture générale des immigrations...

G.H. : Nous sommes attentifs à toutes les formes d'expressions, et sur le spectacle vivant : 80% des groupes présents dans le Guide travaillent dans la danse et la musique.

Néanmoins, nous sommes attentifs à des cinéastes, aux gens qui font des expositions et à tous ceux qui peuvent contribuer aux objectifs de notre association, qui sont de lutter contre toutes les formes de discrimination et d'exclusion liées aux origines sociales. On essaye donc de promouvoir toutes les activités positives qui peuvent permettre d'être un support, une occasion de faire connaître la part des richesses qu'apportent toutes ces communautés sur le territoire rhônalpin. CMTRA : Ce guide est-il un simple carnet d'adresses, ou bien vous sert-il d'outil de promotion des artistes ?

G.H. : C'est un catalogue qui révèle les richesses et les potentiels de toute une région. On a essayé de réaliser un guide attractif, vivant, coloré, avec l'idée que c'est le nombre qui fait la force. Cela permet de révéler et de rendre visibles des groupes et des démarches qui ont de nombreux liens sans pour autant appartenir aux mêmes familles : par exemple entre le rap, le graf ou les musiques du monde, je vois des similitudes évidentes qui sont celles de la transmission, et de l'oralité.

Je crois qu'avec le travail que l'on a pu développer en partenariat avec de nombreuses associations comme le CMTRA, quelque chose est en train d'émerger d'une manière réelle sur l'ensemble du territoire : d'ailleurs on remarque bien en ce qui concerne ces communautés et ethnies, la place que prend leur réalité ou leur image dans la communication, dans la publicité, et dans la culture en général. CMTRA : On pose souvent la question de l'institutionnalisation de ces formes culturelles nouvelles que sont le hip-hop, le graff, ou les musiques du monde : Depuis votre poste, quel regard portez-vous sur cette demande de reconnaissance, venues de formes artistiques qui justement se développent librement en dehors de l'institutionnel ?

G.H. : Le guide ISM est conçu pour rendre lisible cette évolution et la maturation des pratiques artistiques et des sensibilités. Je crois que dans les cultures traditionnelles, la reconnaissance est liée au milieu dans lequel les gens évoluent. Par exemple, ceux qui font des musiques de mariages : certains musiciens ont un très haut niveau artistique, ils le savent, mais lorsqu'ils vivent en France, ils ne sont reconnus que dans ce réseau-là : ils n'ont pas de problème de reconnaissance majeur "interne", par contre ils ont besoin d'être reconnus par le pays d'accueil.

Ce sont parfois des gens qui vivent avec le RMI. Ainsi ce calligraphe irakien de Saint-Chamond, isolé dans une banlieue de petite ville. Il ne supportait plus les entretiens avec l'Assistance Sociale, lui qui il y a 20 ans était professeur de l'École des Beaux-Arts de Bagdad, et qui n'a jamais retrouvé en France des gens capables de regarder son travail. ISM a contribué à trouver des occasions de rencontrer le milieu culturel. C'est ce travail d'interface et de médiation culturelle que nous faisons à partir du guide. Depuis trois à quatre ans je sens une évolution majeure, mais difficile lorsque les artistes sont isolés. CMTRA : Les jeunes ne sont peut-être pas en recherche de reconnaissance institutionnelle ?

G.H. : Je crois que les jeunes sont ambigus, comme plein de gens. Ils ont un discours contradictoire : c'est-à-dire qu'ils souhaitent vraiment un regard d'un public très large sur leur art : "nous produisons de l'artistique et donc nous ne sommes pas que des voleurs de sacs à mains".

C'est une des choses que j'entends fréquemment, quand ils sont dans le métro avec leur costume un peu "banlieue", ils sont tout de suite perçus comme des jeunes qui ont une grande gueule et dont on se méfie. Or, à travers leur art ils revendiquent le fait qu'ils sont "autres", et qu'ils sont capables de faire des choses, et qu'il faut les regarder différemment. Cette question du regard et la stigmatisation de ce regard sont une vraie question, qu'ils vivent au quotidien.

En même temps il y a cet aspect "underground "international ou européen, d'un milieu où ils se reconnaissent entre eux, une force qui échappe aux institutions. Je trouve que ces artistes ont la capacité de passer d'un monde à l'autre, de savoir en prendre le meilleur, et de se protéger énormément. Ils ont une lucidité et une analyse importante, et du coup ils savent jongler avec tous ces mondes. Alors on accélère un peu ce phénomène de médiation, afin d'aller plus vite quand ils souhaitent travailler dans les réseaux économiques.

On travaille avec des rappeurs et des labels régionaux qui font un travail de terrain dans la continuité, et qui ne sont pas dans cette espèce de fulgurance de l'effet de mode et de l'effet économique que peut développer la musique. Les artistes que l'on fréquente jouent sur plusieurs tableaux : ils savent que l'on est dans un monde où ce que l'on dit et ce qui se passe est de nature différente.

D'autre part ils ne moralisent pas trop l'espace privé et l'espace public. Ce sont des gens qui vivent de leur art comme tous les artistes français, qui ont le statut d'intermittents, ils ont besoin de travailler, donc ils essayent d'être présents là où il y a de l'économie possible. CMTRA : L'ISM, c'est une petite équipe de gens têtus ?

G.H. : Si vous voulez ! La définition que nous avons du département culturel de l'ISM, c'est d'être un lieu ressources, de lieu de médiation et de conseil. Ce lieu ressources fonctionne sur trois personnes, Grégory Ramos, Sylvain Barnéoud et moi-même.

On est très limités en moyen, mais on ne veut pas forcément voir grossir cette équipe, qui est suffisamment mobile, souple et surtout capable de réactualiser sa pratique : quand les choses bougent il faut être capables de bouger avec, d'avoir des services et des réponses techniques adaptées à l'évolution du milieu.

On voit beaucoup d'institutions souffrir de ne pas être capables de s'adapter. Il est des évidences qui, lorsqu'on ne les questionne plus, deviennent des coffre-forts intellectuels. Il y a un besoin en Rhône-Alpes de lieux ressources repérables, comme peuvent l'être le CMTRA ou ISM chacun dans son domaine. CMTRA : Concluons sur une vision plus large. Après plusieurs années d'action dans ce secteur culturel, quelle est votre perception de l'évolution de ces musiques et du regard que portent les gens sur ces cultures ?

G.H. : Je pense que du côté de l'artistique et de la création, il y a un accueil de plus en plus bienveillant. Il y a un partage de la sensibilité qui a été imprimé par un certain nombre d'acteurs associatifs, par des gens, dans les ministères, qui étaient parfois très isolés voici 7 à 8 ans, et par les politiques qui ont maintenant des discours là-dessus très formalisés : la Région, le Fond d'Actions Sociales, les politiques culturelles d'insertions s'intéressent de plus en plus au levier de la création et de l'expression :

comment pouvoir travailler justement sur ces publics très marginalisés. Il y a un effet d'évidence, en tous cas dans ce qui est dit. Ce qui reste encore à faire de manière importante, c'est le chemin ! Il y a tout de même un effet de séduction et de fascination parce que les artistes sont des personnes extrêmement attachantes : et pour les gens qui travaillent dans le social, il y a besoin de retrouver un peu d'énergie, car il y a encore énormément de chômage, beaucoup de gens en difficulté dans les quartiers. Alors à quoi peuvent servir la musique ou la culture dans un cas comme celui-ci ?

Je crois que l'artistique redonne à beaucoup de gens un côté "Majeur et Acteur", il redonne de la dignité, parce que dans les quartiers, les gens sont considérés comme des gens à problèmes, surtout lorsqu'ils sont de nationalité ou d'origine étrangère. Il y a parfois une attitude méfiante, voire raciste, dans le grand public, et cela est loin d'être réglé.

Néanmoins, je vois en contre point la générosité et le partage que ces individus issus de l'immigration amènent à la France, car leurs cultures sont conviviales et basées sur le partage. Cela paraît une évidence quand je le dis, mais je crois que c'est loin de l'être dans le quotidien de chacun. ISM fait pour cela un gros travail avec les services publics de proximité. Je crois que l'artistique vient conforter cela.

Ainsi nous avons fait une action avec La Poste autour du graff à la Duchère. C'est une action où l'artistique permet à tout le monde de se connaître et de s'évaluer. Nous on va dans tous les lieux où il se passe des choses, lieux un peu informels ou marginaux : on va dans les bars, dans les associations culturelles communautaires, on travaille aussi avec des associations pour développer une sensibilité, une culture, des associations de proximité, MJC, Centres Sociaux ou culturels quand ils font un travail d'accompagnement d'artistes. C'est un boulot d'exploration et de dialogue qui voit son utilité dans le long terme. Propos recueillis par E.M. Renseignements

Guide ISM

Images - Spectacles - Musiques du Monde

édition 2000 / Tél : 04 72 84 78 90

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