Cristal de neige entre Palestine et Sibérie
Festival Folklore, à Romans (26)
Entretien avec Anne-Marie Ciolfi
CMTRA : Cette année le festival invite une troupe palestinienne ?
Anne-Marie Ciolfi : Nous cherchions depuis très longtemps un groupe palestinien.
Pour une grande partie, ce sont des étudiants de l'université de Bethléem, des jeunes qui font de la danse et de la musique pour leur plaisir. Bien sûr il y a un lien avec l'année 2000 et le Jubilée puisque Bethléem n'est pas une ville anodine ! Cette troupe est composée à la fois de musulmans et de chrétiens.
Nous travaillons sur le projet depuis des mois avec différents partenaires :
l'Association Médicale Franco Palestinienne, le Comité Catholique contre la faim et la Mission Européenne de Romans. Je tiens à souligner que s'ils peuvent venir en France c'est grâce à la ville de Romans qui prend en charge le transport international.
CMTRA : Au-delà de l'aspect jubilée "2000 ans d'Eglise ", voyez-vous un geste politique dans cette venue d'un groupe palestinien dans un festival de folklore ?
AM.C. : Parfaitement, car tout le monde sait très bien ce qui se passe dans ce coin du monde, et il est vrai que la ville de Romans a une action politique en faveur de la Palestine. Henri Bertollet, député-maire de Romans nous soutient depuis le début dans ce projet, car lui-même s'est rendu en Palestine à plusieurs reprises.
La Mission Européenne de Romans travaille depuis des années avec la Palestine.
Nous aurons le plaisir d'accueillir le 8 juillet, lors de la soirée "la Palestine danse avec le Monde", Leïla Shahid, ambassadeur de la Palestine en France. D'autres personnalités nous honoreront de leur présence ce même soir, tel Pierre Péhan qui viendra présenter son livre "Bethléem en Palestine". Au même moment, se tiendra une exposition de photos de graffitis pendant l'intifada réalisée par une photographe palestinienne, Lawa Nirula.
CMTRA : Pensez-vous que les festivals de folklore remplissent le même rôle que le sport dans la diffusion de messages internationaux destinés au grand public ? Un peu comme le football ou le tennis de table en d'autres temps ?
AM.C. : Oui, bien sûr, ils véhiculent des messages de tolérance et surtout permettent d'ouvrir les consciences sur les problèmes de personnes qui ont tant de difficultés à vivre chez eux. J'espère seulement qu'il n'y aura pas de problèmes pour leur délivrer les visas, et que les territoires occupés ne seront pas fermés, qu'ils puissent prendre l'avion sans encombre
Au-delà des messages et des symboles, ces rassemblements permettent au public et aux participants de se retrouver dans un grand moment de fête et d'amitié.
CMTRA : Ces considérations extra-musicales nous amènent à évoquer ces musiciens, chanteurs et danseurs de Sibérie ?
AM.C. : Cet ensemble se nomme "Syra Seve", ce qui signifie "Cristal de Neige" en langue nénéenne. Ils sont originaires de Salekhard (département autonome Yamal nénéen). Leurs principales activités économiques sont : la pêche du saumon, du phoque et de la baleine blanche, ainsi que l'élevage de troupeaux de rennes. Au total, une trentaine de personnes qui n'utilisent pas d'autres instruments de musique que de petits tambours, et le chant polyphonique. Après avoir dansé dans des camps de pêcheurs et de trappeurs, ils ont donné quelques spectacles au palais du Kremlin, c'est ce qui leur a permis de recevoir une reconnaissance officielle et de pouvoir, pour la première fois s'embarquer dans cette tournée en Europe occidentale.
Le travail musical et chorégraphique de cet ensemble doit beaucoup à la construction d'une musique nationale dans les années 60. La création du groupe fût, en 1962, un grand événement de la vie culturelle de cette région.
CMTRA : Ce que la troupe palestinienne veut créer d'une certaine manière ?
AM.C. : L'expression palestinienne est difficile à mettre en place. C'est vraiment une chance pour eux de venir en tournée en France. C'est en quelque sorte une reconnaissance, même si cela doit passer par le côté "musique nationale". Pour ces peuples quelques fois oubliés et qui veulent affirmer leur identité, cela passe finalement par la musique. C'est un langage universel qui se passe de traducteur. La musique et la danse sont des moyens formidables pour transmettre un message.
CMTRA : Des liens sont-ils en train de s'installer entre les festivals de folklore et les festivals de musiques traditionnelle ?
AM.C. : Dans tous les cas, il faut faire en sorte que les deux composantes se retrouvent. Ainsi cette année avec la venue du groupe cajun "TransBayou Express", nous tissons un nouveau lien. Nous leur avons organisé une tournée dans différentes villes de la région : Valréas dans le Vaucluse, Privas en Ardèche, dans le "Cabaret off" de Bourg-de-Péage.
On tenait beaucoup à avoir ces cajuns qui sont l'expression des groupes folks français. Quant à eux, ils sont très heureux car ils ne connaissent pour ainsi dire pas le milieu du Folklore, ce qui leur permet aussi d'aller travailler sur d'autres grands festivals de notre réseau, avec la garantie de voir beaucoup de monde, de retrouver certains groupes qu'ils auront vus chez nous, et de créer ainsi des liens amicaux.
Lorsque les carnets d'adresses se remplissent, mon bonheur est complet.
CMTRA : Comment se porte le Festival de Romans ?
AM.C. : Il se porte à merveille. Il a pris un jour de plus cette année, il débutera le 5 juillet par une soirée de prestige semblable à la soirée marocaine de l'année dernière où s'était produit Omar el Maghrebi sur le conseil du CMTRA.
Cette année la soirée mettra à l'honneur la Grèce, berceau de la démocratie. Le groupe Estia du nord de la Grèce sera intégré dans un "son et lumière" qui transformera les "Jardins de la Visitation" du Musée de Romans. Un repas typique grec sera servi en prélude d'un spectacle inoubliable en 3D.
Le festival de Romans se développe grâce au concours des artistes de provenance diverses, telles que la Hongrie, le Nigéria, l'Argentine ou la Provence. Grâce au public aussi, de plus en plus nombreux, sans doute séduit par notre politique de tarifs, puisque la plupart des spectacles sont accessibles à 25 frs, ou bien ils sont gratuits...
Ce sont des choix populaires pour des musiques populaires.
Propos recueillis par E.M.
Renseignements
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Empi & Riaume
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