Avel mor
Le bagad de Roanne
Entretien avec Emmanuel Demont, pen-sonneur du bagad Avel mor
CMTRA : Emmanuel Demont, tu es le pen-sonneur (le responsable musical) du bagad Avel mor, le bagad de Roanne. Tout d'abord, que signifient ces mots bretons ?
Emmanuel Demont : À l'origine, "bagad" en breton, veut dire "troupeau".... Heureusement c'est bien plus que ça ! Avel Mor signifie "le vent de la mer", un souffle celtique sur la région Rhône-Alpes...
En fait, le bagad est un ensemble musical breton composé de quatre familles d'instruments. Tout d'abord la cornemuse écossaise, empruntée au pipeband écossais, et qui se joue soit en Si soit en Do. Puis le pupitre de bombardes, instrument qui est l'ancêtre du hautbois classique, avec des anches doubles en roseau et un son très percutant. Ensuite le pupitre de caisses claires : ce sont des caisses claires écossaises empruntées au pipeband, avec un son très fin, très cristallin, des peaux très fines, équipées de timbres. Et enfin un pupitre qui faisait partie du pupitre caisse claire, mais qui est devenu complètement autonome, le pupitre "percussions", avec les toms, les djembés, et la grosse caisse, qui permet de donner le tempo au bagad.
À Roanne, nous réunissons une trentaine de musiciens répartis dans ces quatre pupitres.
Quels sont les objectifs, les activités du bagad ?
Au tout départ, l'"Amicale des Bretons de Roanne", créée en 1969, regroupait des Bretons d'origine qui voulaient se rassembler autour du thème de la Bretagne. Ils ont créé un cercle, un ensemble de danseurs et petit à petit y ont intégré un couple de sonneurs, avec le biniou koz (la petite cornemuse bretonne), et la bombarde.
Le bagad fondé en 1970, a pris de l'ampleur, et puis s'est scindé en deux. Le bagad d'origine, Avel mor, a perduré, avec des hauts et des bas, et s'est relevé petit à petit, en intégrant des gens qui n'étaient pas forcément bretons, mais des amoureux de la Bretagne et de la musique bretonne avec l'envie de jouer dans un groupe plutôt que tout seul.
On a eu un gros temps fort au Transbordeur pendant une nuit celtique à Lyon, nous avons beaucoup recruté sur toute la région Rhône-Alpes et nous sommes passés à plus d'une trentaine de musiciens. Notre but, c'est de se faire plaisir en faisant de la musique. Mais pour jouer de la musique en se faisant plaisir, il faut faire quel-que chose de qualité.
Chaque année, nous participons au cham-pionnat national des bagadou, en deux compétitions, la première a lieu au printemps à Pontivy, et la deuxième à Lorient, lors du Festival Interceltique, en août. Ce concours nous permet de voir ce que l'on vaut par rapport aux autres et sert également de point de repère par rapport aux commentaires des jurys. Ça nous permet de rencontrer d'autres bagadou, de voir ce qui se fait en Bretagne.
Nous constatons que nous ne sommes pas si éloignés que ça, et peut-être même novateurs dans certaines façons d'interpréter la musique bretonne. L'important, c'est d'arriver à un niveau de qualité, et ce concours, qui est en fait un moment très court, deux fois neuf minutes dans l'année, nous permet d'évoluer. Nous donnons également une vingtaine de concerts dans l'année, dont certains sur de grandes scènes. Nous menons également des recherches, nous participons à des rencontres, avec une fanfare, récemment, à Huriel. Nous allons rencontrer en mai prochain les fifres de Roanne, au théâtre.
Notre plaisir est de faire des concerts pour financer l'association : les concours, les stages pour lesquels nous faisons descendre de Bretagne des musiciens de très haut niveau et appartenant aux meilleurs bagadou bretons, et l'achat d'instruments de qualité. Nous sommes en train d'acquérir une vingtaine de bombardes chez Georges Botua, qui est le facteur d'instrument de référence en Bretagne.
Pour arriver à cette qualité, vous devez organiser l'enseignement de ces instruments et de votre musique. Comment se passe cet enseignement et qui peut rejoindre ces cours ou répétitions ?
En fait, Avel mor n'est pas une école de musique, c'est une formation musicale. Tous les gens qui en font partie ont appris la cornemuse, la bombarde, la batterie avec des gens du groupe. On transmet ce savoir qu'on nous a donné. J'ai appris la cornemuse au sein du groupe auprès d'une personne qui a depuis laissé sa place et j'enseigne moi-même à d'autres ; un jeune qui est arrivé dans le groupe à quatorze ans, qui en a dix-sept maintenant, dirige le pupitre cornemuse sans avoir pris de cours en Bretagne ou en Écosse.
Celui qui donne les cours au sein du groupe n'est pas forcément le plus ancien, c'est celui qui a les qualités pour le faire. Aujourd'hui, le jeune qui dirige le pupitre de cornemuse est vraiment très bon, et d'ailleurs nous avons obtenu au concours une excellente troisième place, ce que nous n'avions pas eu depuis des années. Les cours sont donnés par pupitres à Roanne, le lieu de base du groupe, ainsi qu'à Lyon, chaque semaine, et le vendredi nous nous retrouvons pour des répétitions d'ensemble au Théâtre de Roanne qui est mis à notre disposition par la ville de Roanne.
Depuis longtemps, dans le mouvement de renouveau qui porte les musiques celtiques et bretonnes, on assiste à un phénomène large de création musicale, de composition. Comment choisissez-vous vos répertoires ?
La musique bretonne est vivante parce que l'on garde toujours les thèmes originaux mais qui sont arrangés de manière plus actuelle, plus moderne. Nous choisissons nos thèmes dans les nombreux recueils et disques existants et nous nous réunissons à deux ou trois. Chacun a travaillé dans son coin, cherché des thèmes et on met tout ça en commun. Dans nos arrangements, il y a des influences, les percussions, les styles jazzy ou rock, et même groovy pourquoi pas...
C'est une musique moderne qui n'oublie jamais la tradition : le kan a diskan, le chant traditionnel breton, d'où tout vient. Le bagad de Roanne est maintenant reconnu pour avoir un style bien à lui. Cette année, le jury du concours de Pontivy a indiqué que notre suite était une des plus intéressantes pour la recherche. Nous travaillons beaucoup le réarrangement de nos suites. On crée en ajoutant de nouvelles choses à l'héritage traditionnel.
Avez-vous une activité en ce qui concerne la danse ?
Nous avons démarré une activité concernant les claquettes irlandaises, qui a vu le jour il y a un an et demi et qui commence a prendre de l'importance sur Roanne, avec beaucoup de danseurs jeunes et moins jeunes. On peut commencer à quatre ans, nous accueillons de toutes jeunes demoiselles qui commencent à monter sur scène. Les claquettes et le bagad réunis c'est aujourd'hui un spectacle vivant de près d'une heure. Nous voulons faire les choses bien, dans un esprit de groupe, sur le principe du bénévolat.
Propos recueillis par J.B.
Contact :
www.avelmor.com
Le bagad de Roanne a confirmé sa place de 4ème lors de la finale du championnat national des bagadou lors du festival interceltique de Lorient qui s'est tenu le 4 août dernier.