L'Orthophone

Entretien avec Quentin Allemand, membre de Pain d'Epices.

CMTRA : Comment Pain d'Epices définit aujourd'hui sa musique : musique traditionnelle, musique évolutive, ou musique actuelle... ?

Quentin Allemand : Pain d'Epices fait une musique vraiment très marquée par la musique traditionnelle française, au sens large. Dans le même temps il y a les influences que chaque musicien amène : contemporain, jazz, rock, classique... Bon, je ne sais pas si on peut parler de world music, de musique du monde, de chanson française... Je dirais musique du monde. En même temps c'est de la musique actuelle... Difficile de définir ! Depuis votre dernier album, quelles ont été les nouvelles influences, autant en musique traditionnelle que d'autres styles musicaux ?

D'un côté, notre répertoire est très influencé par la musique du Nord (de l'Europe), avec des groupes comme Hedningarna ou Gjallarhorn. Ce sont des musiques basées sur la transe, qui donnent des couleurs particulières que l'on retrouve dans l'Orthophone. Et puis il y a une autre facette de notre répertoire qui s'est attaqué aux langues : l'Orthophone est un album moitié instrumental, moitié chanté, avec un chant en portugais, un en français, un en finnois et deux en patois occitan de la Haute-Loire. Pourquoi avoir appelé votre album L'Orthophone ?

Mmm... Le choix du titre d'un album est difficile puisque les gens vont se faire une image de cet album en partie par le titre... On ne voulait pas mettre l'orthophonie, ça fait trop médical. L'Orthophone est un mot inventé, ça vient de “ortho”, remettre droit, et de “phone”,le son ; ça peut paraître un peu prétentieux de vouloir remettre le son droit, mais ce n'est pas du tout ça. C'est l'image que cela évoque à chacun qui nous intéresse, qu'il interprète comme il a envie. Alors votre musique serait-elle celle qui va le plus de soi ?

...Oui, mais sachant qu'on se cherche toujours en tant que musicien, on évolue tout le temps. Il n'y a pas de son juste ni de musique absolue : toutes les musiques sont valables si elles sont sincères. Du coup c'est un titre un peu paradoxal ?

En fait l'Orthophone, ce pourrait être une machine infernale à remettre les oreilles en place - mais on ne revendique pas notre musique comme telle, ce serait trop prétentieux ! La musique de Pain d'Epices n'est pas seulement une musique de bal, mais aussi de concert ?

Les premières années nous faisions surtout du bal folk, et puis, on a joué dans des salles pour des gens assis (froidement ?) sur leur siège - ce qui est parfois difficile. Mais finalement on prend beaucoup de plaisir à jouer en concert et ce n'est pas rare qu'il se transforme en bal folk ! De toutes façons, on a toujours essayé de travailler la musique en partant du principe qu'un danseur peut être fatigué le soir où Pain d'Epices joue : notre objectif est d'avoir une musique de concert qui puisse faire danser. Il est donc important pour Pain d'Epices de maintenir une relation forte avec le public. De manière plus large, quelle doit être, selon vous, le rôle, la place de l'artiste dans notre société : finalement, qu'est-ce qu'être musicien aujourd'hui en France - notamment suite aux remaniement de la nouvelle politique culturelle ?

Sur le rôle de l'artiste dans la société, moi en tant que musicien je me pose la question sans avoir de réponse. Le seul début de réponse que j'ai trouvé, c'est l'envie de jouer, l'envie de s'exprimer par le biais de la musique, le plaisir de le faire et le plaisir que cela peut procurer aux spectateurs et danseurs. Aujourd'hui en France, la place de l'artiste est évidemment plus difficile qu'il y a quelques années : on est entrés dans une période concrète, et où de plus en plus de gens autour de moi - artistes ou techniciens - pensent à une reconversion. Aujourd'hui, bien qu'on ne soit plus dans l'actualité des manifestations, on est bien entrés dans le vif du sujet. Et dans Pain d'Epices vous ne pensez pas à une reconversion ?

Non, nous continuons à jouer tous les cinq ensemble avec tenacité, et avec Richard Bénétrix, notre sonorisateur, notre sixième musicien : il nous a apporté énormément sur l'approche de notre musique et sur l'énergie que dégage le groupe. Alors comment avez-vous financé votre album ?

On a cassé notre tirelire !... l'Orthophone est aussi une co-production avec La Chaudière Production, ce qui nous a permis de faire un travail sur la communication, de faire des demandes de subventions et d'avoir une certaine crédibilité pour nos interlocuteurs. Et pour la distribution du disque, c'est encore l'Autre Distribution qui nous suit depuis “De travers”. Et quels sont vos projets à venir ?

On est toujours en travail : on fait de nouvelles compositions, de nouveaux arrangements, en vue d'un répertoire futur. On travaille sur la longueur : on compose, et un an avant la sortie de l'album, on choisit les morceaux qu'on pense enregistrer. Et puis il y a aussi la recherche d'argent, le visuel de l'album (une réussite de Didier), l'enregistrement, le mixage, le mastering... l'Orthophone c'est deux ans de tout ça, deux ans de vie ! Propos recueillis par F.L. Retrouvez Pain d'épices dans les lettres [n°57->article93], [n°47->article388], [n°45->article422], [n°41->article606] Contact :

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