Romans cité de la musique
CMTRA : Jean-Paul Pau et Amar Soualmi, vous avez des responsabilités complémentaires dans l'objectif du développement des musiques actuelles à Romans, et vous portez le projet d'une Cité de la Musique. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Jean-Paul Pau : Forts d'un savoir-faire acquis à Romans, sur le terrain des musiques actuelles, nous travaillons avec Amar, et ce depuis cinq ans, à la mise en place d'une ouverture aux esthétiques musicales les plus diverses, en essayant le plus possible de lier enseignement et diffusion. Nous sommes partis sur le principe que dans les musiques actuelles il vaut mieux travailler directement avec les artistes dans le cadre d'un projet, et réinvestir ensuite le savoir au niveau des professeurs et des élèves de l'École Nationale de Musique et de la Cordonnerie. Au bout de cinq ans de ce travail d'équipe, nous mettons en place un outil, cette Cité de la Musique, qui permettra l'accès à toutes les musiques. C'est l'idée d'échange autour des musiques qui nous est apparue comme l'objectif essentiel. Nous n'avons pas voulu choisir des professeurs spécialisés dans tel ou tel domaine, mais bien mettre en contact le monde artistique, la diffusion, et l'enseignement. Bien évidemment, le projet d'établissement de l'E.N.M. va dans ce sens. Nous choisissons un certain nombre de projets annuels, des artistes qui travaillent dans ce sens pédagogique, et nous mettons en place une véritable résidence sur l'année avec les professeurs et les élèves. L'aboutissement est en général un projet scénique dans lequel se retrouvent l'artiste, les professeurs et les élèves. Il est essentiel pour les élèves musiciens de vivre leur musique. C'est sur ce vécu que se déclenchent beaucoup de choses.
Qu'est-ce exactement que La Cordonnerie et comment cette structure intervient-elle dans la mise en œuvre des projets ?
Amar Soualmi : La Cordonnerie, aujourd'hui, c'est l'association de l'E.N.M. et de la MJC Monnaie dans le domaine des musiques actuelles. Ce pôle de musiques actuelles rattaché à la MJC Monnaie rempli différentes missions. Tout d'abord, nous prenons en charge la diffusion des musiques actuelles sur la ville de Romans. Pendant la saison, je programme une dizaine de concerts au Théâtre des Cordeliers ou au Théâtre Jean Vilar. Nous organisons également un festival d'été, les « Jeudis-Musiques », 9 dates de juin à août. Enfin, je gère une diffusion de scènes amateur et de spectacles planifiés à très court terme. Nous menons également un volet « sensibilisation, éveil et initiation », avec des ateliers de chant, de musique assistée par ordinateur, de pratique instrumentale collective. Tout ce volet est sous la responsabilité pédagogique de Jean Paul. Et nous assurons également l'accompagnement des groupes. Nous suivons des groupes qui sont sur des esthétiques complètement différentes, de la chanson jusqu'aux musiques électroniques en passant par les musiques du monde, le rap, le raï. Nous suivons actuellement 23 groupes, dans un éclectisme total des esthétiques.
J-P.P : La différence essentielle par rapport à des choses qui pouvaient exister sur la ville, comme les « Locaux-rock », c'est que ces locaux étaient mis à disposition nus, sans matériel, sans suivi. La Cordonnerie est un véritable lieu d'accompagnement. Chaque groupe a son projet, ses objectifs à court terme, avec un bilan trimestriel. Sur les 23 groupes, on trouve tous les niveaux de compétence, du groupe très amateur, complètement débutant, au groupe en situation quasi professionnelle. En fonction des projets, La Cordonnerie s'adjoint les personnes dont les compétences correspondent aux besoins, un metteur en scène, un spécialiste du son, de la lumière, de l'arrangement musical. La Cordonnerie vient également d'embaucher un conducteur de répétition. C'est un métier tout nouveau, et la première formation vient de se terminer au niveau de trois régions. Sur ce bassin de vie, en prenant en charge 23 groupes, il nous semble que nous répondons à peine à un tiers des demandes.
A .S . : Les groupes avec lesquels nous travaillons sont essentiellement orientés vers la création. Les autres groupes jouent des répertoires traditionnels. Se pose à nous la question des musiques traditionnelles, des musiques du monde. Dès qu'on a ouvert la Cordonnerie, des musiciens sont venus nous voir qui sont dans ce champ musical. La plupart sont autodidactes, de haut niveau, comme Sid Ahmed Belkesier (mandole et au chant chaâbi) et Nabil Saïdi (violon, répertoire maalouf). Nadir Ipek, au oud, pour les répertoires de Turquie, est aussi passé chez nous. Aujourd'hui, nous cherchons des points d'appuis au niveau régional pour faire circuler ces artistes, et le CMTRA nous semble un partenaire indispensable. Par contre, notre regret, c'est, pour l'instant, de ne pas avoir reçu de groupes porteurs de projets basés sur les musiques du Dauphiné. Il y a une lacune, et nous devons faire une recherche de terrain.
J-P.P : Notre souhait est de travailler au niveau régional avec tous les réseaux existants, en collaboration, en coopération de manière à compléter notre action. Nous souhaitons nous ouvrir à toutes les esthétiques musicales, au-delà des musiques actuelles, et permettre une pratique vivante fondée sur le plaisir de jouer.
A .S . : En ce qui concerne l'aide à la création, nous accompagnons des artistes régionaux en partenariat avec d'autres réseaux, comme le réseau Maillon, et nous souhaitons développer ce type d'action. Pour 2005, nous allons accueillir Ilyes en résidence, pour une création lumière et scénographique. Durant dix ans dans le spectacle vivant, je me suis toujours questionné sur la façon de diffuser les musiques du monde. Ces musiques sont souvent destinées à un public restreint. La première question est bien d'élargir les publics. C'est en avançant dans la collaboration avec l'E.N.M.D. que nous avons pu envisager d'autres pistes. Le rapprochement avec les enseignants de l'école m'a permis d'appréhender les musiques du monde sous l'angle de la découverte et de la transmission des musiques de l'oralité auprès des élèves, de leur apporter un plus. L'idée est venue d'un rendez-vous régulier dans la saison, avec plusieurs artistes dans la même soirée pour faire se côtoyer des artistes grand public et des musiciens au répertoire moins accessible, plus intimiste, en première partie. On a donc créé un événement, sous forme de festival. D'autre part je m'interroge sur la fonction des musiques traditionnelles. Elles en ont plusieurs, notamment la fonction de la danse. Nous pensons prendre d'une manière ou d'une autre cette dimension en compte, peut-être avec de nouveaux rendez-vous, par exemple des bals.
Vous menez actuellement un projet avec le Cor de la Plana, chœur d'hommes marseillais mené par Manu Théron. À quelle étape en êtes-vous ?
A .S . : Nous recevons à Romans le 1er avril le Cor de la Plana et le Quatuor Méditerranéen, et le 2, les frères M'Raihi et le groupe Poum Tchak. Cette programmation a été élaborée en concertation avec Jean-Paul. Je me suis attaché à des projets artistiques qui laisse une grande place à l'émotion, la rencontre avec le public. Certaines musiques traditionnelles sont difficilement accessibles sans un travail en amont sur la culture qui les a produites. Mon choix va dans un premier temps aux musiques plus accessibles. Nous construisons ensuite le lien entre les dimensions artistiques et pédagogiques de ces musiques, et le choix des artistes répond à ces deux critères. Manu Théron propose cette dimension humaine avant tout, et c'est l'échange avec le personnage, sa générosité, qui nous a décidé. Manu développe un discours sur le monde qui va au-delà de la musique et du chant.
J-J.P : Pour choisir les artistes avec qui construire un travail, à chaque fois, nous allons les voir en situation de concert bien sûr, puis sur leur terrain d'action et de vie. Avec le Cor de la Plana, nous avons senti tout de suite une dimension humaine, une chaleur de vie. C'est vrai qu'il y a en ce moment un engouement pour les pratiques du chant. Nous avons à Romans une classe de chant très dynamique pour laquelle prévoir un travail avec le Cor a été une évidence. Le choix de travailler sur un répertoire au départ monodique, qui devient polyphonique, polyrythmique, m'a semblé un apport très intéressant dans le cursus d'un élève de chant. D'où l'idée de ce travail, commencé en novembre dernier, et qui aura donné lieu à six rencontres avec le Cor de la Plana. On travaille la prononciation, l'intensité. Le premier travail a porté sur l'intensité du cri chanté, l'intention de voix forte ; les élèves de chant classique n'avaient pas cette dimension, et sont très vite arrivé à l'intégrer. Tout ce travail va donner lieu à la présence sur scène de nos élèves aux côtés du Cor de la Plana. La graine aura été semée.
Pour le Quatuor Méditerranéen, nous menons la même démarche, cette fois appliquée à des instruments très méconnus, les hautbois languedociens. La première rencontre a provoqué la surprise générale auprès des élèves et des professeurs praticiens de toute la famille des instruments à anches. Ce travail sur le phrasé, le timbre, la fonction de l'instrument et du répertoire va donner lieu également à une production scénique, et nous savons que c'est déjà une belle aventure, comme avec Poum Tchak et les frères M'Raihi pour l'improvisation.
Propos recueillis par J.B.
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