CMTRA : Ce nouvel album réunit
essentiellement des compositions. Quelles sont vos influences musicales
?
Julien Cretin : Nous sommes tous compositeurs
sur cet album. Nos influences
vont du klezmer aux musiques d’Europe
Centrale. Je pense surtout aux rythmiques
composées, très nombreuses
dans cet album avec des thèmes en sept,
en onze ou en quinze… Il y a également
une grande influence de l’imaginaire, du
conte. Dans « La Comtesse », les harmonies
sont fantasmagoriques, on essaie de
raconter des histoires, c’est d’ailleurs
pour cela que l’on a fait un livret à la
manière d'un conte de fée : on écrit une
musique qui est comme un patchwork
d’influences. L’idée est vraiment de
raconter des histoires.
C’est un peu votre marque de
fabrique, votre 1er album avait un
peu cette orientation, non ?
Pierre Lordet : Oui, mais je pense que
l’on va un peu plus loin dans le côté
fantastique, au sens de “merveilleux”.
Dans nos façons de composer, d’un
côté, on a nos influences personnelles,
et de l’autre, l’histoire du groupe qui
est de plus en plus forte. Notre identité
sonore est beaucoup plus définie, on a
donc des arrangements plus orchestrés,
ce qui sert beaucoup le propos
fantastique.
Vos arrangements sont très
riches…
PL : Oui, ils sont d’ailleurs écrits même
si nous ne travaillons jamais avec des
partitions. Comme il y a des non lecteurs
dans le groupe, même quand
c’est écrit, il faut que ce soit « habitable
», c’est à dire que lorsque l’on
cherche des choses compliquées, il
faut que tout le monde les entende
bien. On essaie de tout faire par oral
mais en poussant assez loin la composition,
ce qui nous demande beaucoup
de répétitions.
Il y a un « grand fossé » entre vos
histoires de comtesse, d’ogresse et
les Steppes Tartares. D’un côté les
histoires de légendes et de l’autre
un morceau très décalé…
JC : En fait « Steppes Tartares » est un
morceau très court, comme un interlude
pour passer à un autre morceau.
PL : Les interludes sont comme des
couleurs que l’on a cherchées : une
ambiance très courte qui n’a pas vraiment
de début, ni de fin.
JC : On a essayé de créer des motifs
qui rythment l’album jusqu’à ce que
l’on arrive au dernier morceau,
« Casa de Clovni ». On a essayé beaucoup
de choses. « Casa de Clovni »
que l’on a composé collectivement
était au départ la BO d’un documentaire,
« Le chapiteau du parc des
roses», qui filme une association
franco-roumaine, « Casa de Clovni »,
s’occupant d’enfants des rues roumains.
Ils leur font faire du cirque,
monter des spectacles. En studio, on a
essayé d’improviser tous ensemble sur
les images du documentaire, même si
on avait, au préalable, pensé à des
thèmes.
Cet album fait la part belle aux
invités…
PL : Sur scène on ne joue pas du tout
les morceaux de la même façon. On a
voulu faire intervenir des invités sur
cet album pour s’amuser. Ce n’était
pas vraiment prémédité. Ce sont des
idées qui sont venues au fur et à
mesure.
JC : De Mango Gadzi à La fourmilière,
on a pensé des arrangements, avec
leurs instruments, leur timbre. Jorge
Diaz et Philippe Danet interviennent
sur plusieurs morceaux. Avec Thierry
Nicolas pour « Le Grand Roux », on
s’est amusé à introduire une couleur
flamenco : on a pas de cordes dans No
Mad ?, à part la guitare électrique. On
a donc profité de ces instruments-là.
Le tuba vient de Fanfarnaüm avec qui
on avait enregistré. Il y a également un
quatuor vocal de filles qui faisait du
trad et auquel participait Elodie la
chanteuse. Sur « Mariage », il y a aussi
du chant diphonique, avec Arnaud.
La chanteuse est très présente sur
cet album, il y a eu comme un basculement
par rapport au premier
disque ?
JC : Oui, on avait envie de travailler
avec une chanteuse, on a clairement
pris le parti de mettre le chant en avant.
Il y a des chansons comme « la Comtesse
», avec couplets et refrains,
construite de façon classique, et puis il
y a aussi la voix comme instrument qui
intervient pour quelques notes à certains
moments. Elle donne cette couleur
assez exubérante sur des morceaux
comme « l’Hurluberlue ».
Vos textes sont très imagés, comment
envisagez-vous le passage du
CD à la scène ?
PL : Sur scène, on a un décor lumière
qui est nouveau, à base de roues de
vélos que l’on peut faire tourner, des
sculptures en cuivre avec des lumières.
On a donc un univers fantastique, avec
de la fumée etc… Comme on est
presque tous équipés en HF, on peut
circuler, on aime garder cette énergie :
on évolue dans cet espèce de décor
fabriqué. Rien n’est figé. On improvise
nos placements, on improvise
avec la lumière aussi, on s’amuse
avec, on reste spontané, c’est un peu
notre règle. Et le public le ressent
beaucoup…
Propos recueillis par JS. E.