GIOVANNA MARINI
Ignazio Macchiarella et Giovanna
Marini
Actes Sud – ISBN : 978-2-7427-6468-6
Cet imposant ouvrage publié chez Actes sud
est dédié à la vie et à l’oeuvre de Giovanna
Marini, l’une des plus importantes figures
de la recherche et de la réinterprétation des
chants populaires italiens. Composé de deux livres et d’un disque
compact réunissant près de 20 enregistrements de spectacle, il
retrace les multiples facettes de son oeuvre.
La première partie, « Il canto necessario » (le chant nécessaire) est
un hommage biographique de l’ethnomusicologue Ignazio Macchiarella.
Il raconte ses années de formation classique (diplômée
de guitare, elle se destine à une carrière de concertiste), son entrée
dans les milieux intellectuels romains et la rencontre fondatrice
avec Pier Paolo Pasolini qui l’initie aux musiques populaires, ses
incessantes et abondantes recherches et son travail d’interprète et
de compositrice talentueuse.
Durant ces années, Marini est aussi une pédagogue passionnée.
Avec ses élèves de Rome et de Paris 8, elle effectue de nombreux
voyages en Sicile, en Sardaigne et dans le reste de l’Italie, à la
découverte des répertoires populaires. C’est cette expérience
qu’elle retrace dans la deuxième partie de cet ouvrage, intitulée
« Raccontar-cantando. Cantare viaggiando » (Raconter en chantant.
Chanter en voyageant). Les récits de voyages donnent lieu à
des descriptions ethnographiques, ponctuées d’anecdotes savoureuses
et d’analyses précises. Enfin, Giovanna Marini dédie un
chapitre à répondre aux nombreuses questions de ses élèves sur
un pan d’histoire sociale de la musique qu’elle a connu de près.
Grande interprète, Giovanna Marini est aussi une conteuse de
grand talent. Cet ouvrage donne la part belle aux « racconti », ces
récits qui ponctuent les cantates et autres récitals.
Regards croisés, hommages, narrations de spectacles, récits d’expériences
et témoignages d’amis retracent l’oeuvre riche et puissante
de Giovanna Marini…
LE SENS DU SON
Musiques traditionnelles et expression
populaire
Après son monumental dictionnaire thématique
des Musiques du Monde (Fayard, 2002),
Etienne Bours nous invite cette fois dans une
quête passionnante, celle du « Sens du son »
dans cet ouvrage. Il cherche ici à éclairer le
contexte dans lequel les musiques traditionnelles sont produites,
à relier leurs contenus et leurs formes à leurs fonctions et à leurs
pratiques.
Cet écrit s’inscrit, de façon sous-jacente, dans une démarche quasi
politique, en refusant les logiques de globalisation ou d’uniformisation,
et en nous invitant à prendre une autre voie : celle de la
recherche de sens et, par voie de conséquence, à celle du questionnement
et de la prudence. Ainsi, « découvrir les musiques
des peuples de la terre, c’est écouter une multitude d‘expressions
différentes et vouloir sauvegarder cette diversité aussi longtemps
qu’elle aura un sens. » (p. 11, Sylvain Trébucq)
Formellement ou de façon plus indirecte, l’auteur remet sur le
métier les notions clés qui ont nourri la réflexion sur les musiques
traditionnelles et les musiques du monde depuis ces quarante dernières
années, avec une bienveillance et une finesse d’analyse qui
méritent d’être soulignées, ainsi de la tradition et des sociétés traditionnelles,
des musiques dites ethniques ou du métissage, …
Il n’y a -bien entendu, le contraire eût été étonnant- aucune trace
« d’exotisme déplacé » dans ce livre qui constitue également un
voyage musical sans frontière, dans ce qu’il prend appui sur des
traditions diverses. Des chants des émigrants siciliens aux premiers
tangos de Buenos Aires ou aux musiques mandingues, en
passant par les enregistrements de machines à traire réalisés par la
Talvera en Aveyron, la diversité fait sens -justement- dans le propos
développé par Etienne Bours, notamment au travers de son
souci manifeste et permanent de remettre en contexte, d’interroger
la signification du moindre couplet de chanson utilisé, et de
relier le particulier à l’universel sans démagogie.
Et si l’on ne pénètre pas de façon pointue les différentes formes
musicales sur lesquelles l’auteur prend appui pour étayer son propos,
cet ouvrage nous invite de façon parallèle à l’écoute ou à la
réécoute de traditions musicales d’une richesse inouïe. D’ailleurs,
le travail effectué sur la citation des sources et leurs mises en
contexte peut, par bien des aspects, constituer un bon guide de
constitution de discothèque.
Ce livre est une véritable invitation à l’ouverture, un appel à écouter
ces musiques et à saisir leur profondeur. On pourrait destiner
sa lecture à l’amateur en quête de regards neufs ou aux professionnels
du secteur culturel, tant il peut être un outil de pensée
constructif dans la réflexion précédant toute « utilisation » de ces
musiques, notamment dans le secteur de la diffusion. Au-delà, et
comme le rappelle la préface de Jacques Vassal, c’est à « un véritable
débat de société qu’il nous convie » tant le thème de cet
ouvrage et les problématiques qui le traversent sont au coeur des
enjeux actuels de nos sociétés. Et l’accélération des échanges de
signes et de formes qui caractérise notre période, par la montée en
puissance d’une mondialisation pas toujours maîtrisée, peut, ici,
trouver du sens ou tout du moins, une façon de l’interroger. C’est
tout ce qu’on souhaite aux lecteurs de cet ouvrage remarquable…
Le sens du son [Texte imprimé] : musiques traditionnelles et expression
populaire / Étienne Bours ; préface de Jacques Vassal. - [Paris] :
Fayard, impr. 2007 (12-Millau : Impr. Maury). - 1 vol. (473 p)
4810
Cultures et société en Rhône-Alpes
Revue trimestrielle n°1, édit. Glénat
4810, tel est le titre de ce nouveau magazine
trimestriel rhônalpin. S’il en faudra davantage
pour ancrer la nouvelle et officielle altitude du
toit de l’Europe, nous saluons cette initiative de créer une publication
consacrée aux thématiques cultures et société en Rhône-Alpes.
Sur la forme, on y trouve le style et la qualité -de papier, de photographie...-
qui sont sans conteste la marque de fabrique des éditions
Glénat. Sur le fond, même s’il est un peu prématuré d’apprécier à
sa juste et probable valeur la qualité de cette édition, le choix d’entamer
l’aventure de 4810 en traitant de la question de l’identité (en
Rhône-Alpes), est plutôt bien vu, surtout quand on titre son premier
numéro “IDENTITÉ(S)” avec un “S” signifiant. En choisissant de
partir d’un mot, évocateur et ambigü, pour chaque numéro, Philippe
Meirieu, conseiller éditorial, fait le pari “d’ouvrir des possibles, de
jouer sur les contrastes, de faire émerger les convergences inattendues...”.
L’identité plurielle de ce premier numéro s’accomode parfaitement
de ces balises éditoriales. Autour du mot “identités”,
4810 réunit à la table des discussions chercheurs et scientifiques, écrivains,
artistes et politiques et autant de regards, d’angles d’analyse
que les statuts des convoqués peuvent le suggérer, en évitant le
consensus mou façon “ficelé d’avance” mais dans un dialogue
constructif et ouvert. Ce numéro ne fera pas de son lecteur “un bon
rhônalpin pure souche”. Il fera peut-être mieux, en l’invitant à déplacer
cette notion d’identité peut-être trop souvent construite autour
d’un affirmatif “je suis...” aussi figé qu’illusoire, dans un espace
d’interrogation nécessairement perpétuel de ses rapports au territoire,
au temps et à autrui.