Gnawa Family Experience
CMTRA : Bonjour, j’ai pu comprendre
que Gnawa Family Expérience
était avant tout l’histoire
d’une rencontre entre vous et
Azzouz Sudani.
Olivier Owen : En fait, le Maalem
Azzouz Sudani est un descendant des
esclaves qui ont été amenés à
Essaouira. Leur fonction dans la
société marocaine est de soigner les
gens qui ont des problèmes avec la
musique, à travers un rituel où elle est
incantatoire et conduit à un état de
transe qui permet de se libérer de problèmes
psychiques ou même physiques.
Moi, je suis arrivé à Essaouira
avec mon fils pour enregistrer un
album et je me suis retrouvé dans une
histoire de fous qui m’a amené à
Gnawa Family. Maintenant je travaille
avec tous les élèves d’Azzouz. Avant
d’en arriver là, on a travaillé cinq ans
ensemble avec le Maalem Azzouz.
Maintenant il ne joue pas avec nous,
parce qu’on ne va pas dans le monde
avec son maître d’école, lui il reste là bas
pour enseigner, transmettre. Mais
nous continuons l’histoire, d’une
manière plus précise, moins traditionnelle
et plus subtile, parce qu’ils sont
jeunes, ils écoutent de la musique, ils
ne sont pas complètement dans le
rituel vaudou sacré. Ils sont plus
actuels.
Justement, vous n’hésitez pas à
intégrer des styles actuels dans
votre musique.
OO : Oui c’est Rock, c’est Hip-Hop,
mais tout est en Gnawa traditionnel,
les bases de notre musique jouée par
Youssef sont Gnawa.
Youssef (Maalem) : Avec Olivier, on
travail ensemble depuis longtemps,
depuis au moins cinq ans. De mon
côté, j’ai appris avec des Maalem différents,
avec Azzouz mais aussi
d’autres. Je voulais connaître différentes
manières de jouer. Après, Olivier
m’a proposé de jouer avec lui et ça
me fait plaisir.
Et comment se passe l’écriture des
morceaux ? Comment arrivez-vous à
allier la musique traditionnelle à
tous ces styles plus actuels ?
OO : Pour la composition, on joue
ensemble, on « jam » ensemble, le soir
comme ça, et tout à coup il y a quelque
chose qui apparaît clairement comme
étant proche de ma culture rock’n’roll,
ou bien plus dance, funk. À ce
moment-là, la mélodie Gnawa s’enchaîne
complètement avec ma création,
ça devient quelque chose d’indissociable.
C’est tellement fusionnel que
ce n’est plus de la fusion. C’est
quelque chose que l’on n’essaie pas de
chercher ou de faire, ça se fait tout
seul. Après sur scène, on joue quelque
chose d’organisé de pensé. Le fonctionnement
est toujours le même, on
joue ensemble, on créé ensemble, les
choses tournent dans notre esprit
toutes seules. Cette musique Gnawa a
quelque chose de thérapeutique sur les
hommes. Au premier abord pour les
occidentaux cette musique peut leur
paraître bizarre. Moi la première fois
que j’ai entendu cette musique, ça m’a
carrément fait peur, j’ai dit « c’est bon,
laisse-moi tranquille ! ». C’est par la
suite que je me suis aperçu du travail
de cette musique sur mon esprit, dans
mes rêves, dans la nuit.
Et comment est perçue votre
musique au niveau de la population
marocaine ?
OO : Ils adorent ! Parce que eux
connaissent ces chants-là, c’est dans
leur culture. Et de façon inverse les
occidentaux peuvent se reconnaître
également dans cette musique. Ce qui
les amène au Gnawa. Puisque la
musique est Gnawa à la base, s’ils sont
attirés par mon chant ou ma guitare, ils
vont venir au Gnawa.
Quelle est la particularité de vos
concerts ?
OO : Je pense que notre musique pourrait
être dans le cadre des « raves ».
C’est comme des « raves », tu danses
toute la nuit et ça se finit à 8h du matin.
Mais tu fais un voyage sans drogue
sans rien. Ce qui te fait partir, c’est la
musique. Et de toute façon dans le rituel
Gnawa, toute substance qui change
l’état de la personne est proscrite.
Durant votre passage en France,
vous allez effectuer une résidence à
la MJC d’Oullins, qu’allez vous
travailler exactement ?
OO : On va rejoindre le batteur Martial
pour faire une vidéo de tout ce
qu’on a fait, de notre création. On va
mettre en place une connexion pour
que les gens puissent être pris dans
cette musique. Surtout les jeunes des
cités qui en France sont complètement
largués, ils ne connaissent même plus
leur langue, leurs racines, leur culture.
Cette musique remet en place l’esprit.
Vous allez, en plus des concerts, effectuer
des ateliers, des master class.
Comment allez vous procéder ?
Y : On va tout d’abord leur apprendre
ce que c’est que le Gnawa. Et après on
va montrer les instruments, les présenter.
Que ce soit les Gembri, les Crotales…
Une fois la présentation terminée
on va leur apprendre comment
jouer de l’instrument, les rythmes…
Parce que la musique Gnawa, ce n’est
pas juste une musique, il faut la comprendre
pour bien la jouer. Il n’y a pas
d’école pour l’apprendre, la transmission
est uniquement orale.
Propos recueillis par C.E.