The Mountain Men
« Hey man! Hurle ce que tu as à dire… »
CMTRA : Mathieu, peu de gens te
connaissent en région Rhône-
Alpes. Comment un “montagnard”
comme toi est venu au blues ?
Mon parcours personnel, c'est en tout
premier la chanson française avec un
intérêt fort pour Brel, Ferré, Brassens.
Ma révélation quant au blues a eu lieu
quand je me suis retrouvé par hasard
vers l'âge de quatorze ans à un concert
de BB King. Là, ça a été le choc de ma
vie. Je crois que j’ai pleuré pendant
deux heures, tellement cette musique
me semblait intime, trop même peutêtre…
Je l'ai laissée de côté jusqu'à la
naissance de mon fils en 2002, dix ans
où je me souviens même d'avoir dit à
des gens que je ne supportais pas le
blues, que je n'aimais pas ça. En fait,
ça me ramenait tellement à des blessures
que ça me déstabilisait... Etre
père m’a tellement bouleversé qu'il
fallait quelque chose pour supporter
toutes ces émotions enfouies en moi et
là, le blues est revenu naturellement.
C'est lui qui m'aide et me nourrit
chaque jour, c'est devenu une partie de
moi à part entière.
Sur le plan de la musique, je suis totalement
autodidacte et ne sais pas du
tout lire ou écrire la musique. La technique
n’est pas une priorité pour moi.
Je joue comme je l'entends. Si je
devais choisir les musiciens qui m’ont
le plus influencé dans mon jeu de guitare,
ce seraient certainement des gens
comme Charley Patton et Son House,
pour la violence, Bukka White pour
l'intensité, Robert Johnson pour la
régularité, Skip James pour les mélodies,
mais aussi Hank Williams ou
Tom Waits… Ma musique, notre
musique est un mélange de ces gars-là.
Je joue en picking une technique de
guitare empruntée au piano, mon
pouce fait la ligne de basse tandis que
mes doigts font, eux, la mélodie. Du
côté de Iano, mon compère harmoniciste
qui est australien, il a été bercé au
son du folk, Dylan, Neil Young et tout
ces mecs là...
Si ma filiation avec ces musiciens est
assez évidente, je ne m'impose néanmoins
pas de limites dans la composition.
Avant d'essayer d'être fidèle aux
pionniers, nous essayons d'être fidèles
à nous-mêmes dans nos textes, nos
musiques. Trop de musiciens de blues
jouent cette musique comme de la
musique classique. Ce n'est pas ça. Je
n'ai pas à écrire de la musique sur les
champs de coton, je n'ai pas vécu ce
contexte. Nos textes parlent de la vie
de tous les jours, tout ce qui nous
blesse, ce qui nous touche.
Comment vous êtes vous rencontrés
avec Iano ?
Lors d’un concert qu’il donnait dans
un pub pas loin de chez moi à St
Hugues de Chartreuse en août 2004.
Moi, je le connaissais un peu pour ce
qu'il faisait. Après les deux heures de
son set, tout le monde dans la salle a
demandé de faire monter Mat’ sur
scène. Je suis allé le rejoindre en lui
demandant de jouer avec moi et on a
rejoué deux heures… On s’est revu un
mois après pour une après-midi en
studio. On y a enregistré notre premier
album comme ça, en trois heures et ça
a été une réussite !
Sur scène, vous semblez prendre
plaisir à échanger avec le public…
On vit pour la scène, le contact, c'est
magique… On tente de les faire sortir
de leurs tracas quotidiens pendant
deux heures et ça marche. Cet échange
est primordial, c'est une forme de
drogue… Cette attitude et cet état
d’esprit ne sont pas des choses que
l’on travaille, c’est naturel aussi bien
pour Iano que pour moi-même. A la
base, on prend déjà un plaisir fou à
faire de la scène et je pense que c'est
communicatif. Trop de musiciens
essaient de tout intellectualiser, de
réfléchir à ce qu'il vont dire, faire…
« Hey man ! Monte sur scène et
balance tout ce que tu à a dire avec tes
tripes, c'est ça qui est bon, c'est ça la
scène… »
Vous avez eu la chance de pouvoir
jouer aux Etats Unis. Comment
votre musique a t’elle été appréciée
là-bas ?
Oui, on a effectué une tournée aux
Etats-Unis, avec deux dates dans le
plus gros festival de blues du monde à
Memphis, c'est énorme pour un duo
qui n'a que trois ans d'existence… Je
réalise la chance que l'on a eue. Ca a
été terrible, l'accueil du public a été
très bon. Ils font certes un peu la grimace
en entendant le mot « français »
dans les présentations mais une fois le
premier morceau terminé, tout le
monde était debout et dansait !
On a fini tous les soirs avec des standing
ovation qui nous ont vraiment fait
chaud au coeur. Quand nous sommes
arrivés à Memphis, j'avais l'impression
d'arriver en territoire sacré, de ne
presque pas avoir le droit de me pointer
avec cette musique avec laquelle
plein de musiciens de légende n'ont
jamais gagné le moindre centime.
Finalement, en revenant, j'ai plutôt
l'impression de faire partie d'un monde
à part entière, d'une famille. Un très
grand musicien avec qui on a joué ma
dit : « tu as le droit de jouer le blues
parce que les émotions, le feeling, les
sentiments, c'est universel… Hurle ce
que tu as à dire ! » En tous les cas, nos
tourneurs aux USA, Felix Ybarra et
Tim Degryse, nous re-proposent une
quinzaine de dates pour l'année prochaine
notamment Détroit, Chicago…
Une bonne occasion pour remonter sur
scène et hurler à nouveau ce que nous
avons à dire…
Quels sont vos projets pour les prochains
mois ?
On va tout d’abord s’attacher à finaliser
notre second album à partir des
bandes que nous avons enregistrées
lors de séances de studio dans le
Michigan à l’occasion de notre tournée
aux USA et puis on va tourner !
Propos recueillis par JS. E.