Entretien avec Bernardo Nudelman
CMTRA : Tu oeuvres depuis longtemps
à la reconnaissance et à la
diversité des cultures musicales
argentines en France… Comment ?
En 2003, nous avons crée à Paris, la
société Argentina, Musica y Arte,
(AMA) aujourd’hui basée à Lyon, afin
de montrer divers aspects de la culture
argentine, et d’en faire la diffusion la
plus large possible. En Janvier 2007, je
me suis trouvé réuni avec quelques
personnes actives dans le milieu tango
lyonnais, qui souhaitaient créer une
structure pour monter un festival. Je
n’étais pas très disponible pour ce type
d’action et, peu à peu nous avons
adhéré à une idée de structure différente.
« TCA » est née de cette idée.
Nous ne voulons pas faire que du
tango, pour ne pas limiter nos actions
culturelles à un seul aspect de la réalité
argentine. C’est le même esprit qui
m’a motivé pour créer AMA, bien
qu’il ne s’agit pas du même type d’activité.
Pourquoi ce nom « TCA » ?
Le tango ne fait-il pas aussi parti de
la culture argentine ?
Bien sûr, on ne peut pas dire que le
tango est à l’extérieur de la culture
argentine, il est une composante de
cette culture. Le nom de l’association
peut apparaître alors comme une anomalie,
mais comme le tango a plus de
visibilité nous avons cru bon de l’inclure
dans la dénomination de l’association,
une certaine “concession”
marketing. Le mot tango, tout en étant
devenu un cliché, attire et permet aux
gens de s’identifier, de comprendre
plus vite de quoi il s’agit. Il est ainsi
plus facile de faire passer un discours
sur les autres aspects de la culture
argentine. Il existe un public qui ne
serait jamais venu écouter la musique
traditionnelle argentine, et qui viendra
par curiosité parce dans «TCA», il y a
le mot tango. Cela nous permet d’élargir
la vision des choses à ceux qui
croyaient que l’Argentine commençait
et finissait au tango.
Et toi, qu’entends-tu par le mot
tango ?
Le tango est un fait culturel : il a un
lieu de naissance, il vit, il se répand et
il voyage. Le tango est une culture en
soit, mais bien entendu c’est une culture
issue de facteurs propres à la culture
et à l’histoire sociale argentine. Le
tango s’est développé avec tellement
de force en Argentine, et il a dépassé
les frontières, que cela lui a donné une
notoriété, une certaine validité au
même titre que d’autres musiques
comme le jazz. Qu’est que j’entends
par... tango ? Je peux avancer une
hypothèse : Lorsque l’immigration
devint la note dominante de l’Argentine,
un vrai « melting pot », particulièrement
à Buenos Aires, cette population
devait trouver une identité, un
langage commun. Ce n’est pas le langage
dans sa dimension idiomatique,
mais des valeurs, des références, un
langage de reconnaissance. Je pense
que le tango est en grande partie ce
langage recherché. Cette musique
émouvante qui commençait à courir
les rues a attiré l’attention de ces
immigrants de cultures éclatées : elle a
servi de point de rencontre, de lieu
fédérateur et d’identification à une
multitude de personnes, qui savaient
qu’elles vivraient ensemble, qu’elles
ne retourneraient peut-être jamais dans
leur pays d’origine. Ces populations
ont ensuite nourri le tango qui connaît
à partir des années 1920, une évolution
considérable de son histoire.
Quels sont les autres aspects de la
culture argentine que vous abordez
?
Dans la plupart des domaines, les
argentins ont mené à bien une production
ayant une notoriété bien au delà de
l’Argentine : littérature, cinéma,
théâtre, musique, danse. TCA se propose
d’organiser des manifestations,
pour que cet éventail culturel puisse
être connu et partagé. Par ailleurs,
concernant la musique et la danse, oui,
nous souhaitons travailler au mieux
afin de mettre à portée de tous, le
nombre important de musiques traditionnelles
existantes, afin qu’elles
acheminent cette mémoire d’avant la
conquête espagnole et les apports de
cette présence hispanique.