Ilyès, le disque

Entretien avec Ilyès et François Lépinard Ilyes mène à Lyon depuis plusieurs années un travail de rencontre musicale entre les musiques traditionnelles de la région des Aurès, en Algérie, et la musique classique occidentale. Des partenariats multiples, dont une résidence au CNR de Lyon, lui ont permis de travailler dans la durée. Nous nous sommes fait régulièrement l'écho des avancées de cette aventure exemplaire, qui a trouvé une dimension particulière au cours de l'année 2003, année de l'Algérie. Le résultat de ce long parcours est maintenant sur un CD. Ilyes témoigne ici de cette nouvelle étape. CMTRA : Ilyes, avec François Lépinard, vous formez une nouvelle équipe, avec pour objectif la production de votre premier album français. Quels sont les titres qui figurent sur ce CD ?

Ilyes : Depuis cinq ans, on a inlassablement remis sur le métier des titres originaux comme Matoussa, La La, Zine Zine, Ya Ma, qui parle de ma mère au bled, et bien d'autres chansons. Et ce sont ces morceaux que nous avons enregistrés. Comment s'est déroulé l'enregistrement ?

François Lépinard : On l'a enregistré dans un studio tout neuf, en plein milieu des Cévennes. C'est en pleine nature, dans la garrigue, le studio est immense, chaque musicien est dans une cabine séparée, mais avec la possibilité d'enregistrer en jouant tous ensemble. Ceci était indispensable pour garder l'authenticité d'une prise directe. L'ingénieur du son, Patrick Jauneaud, a enregistré toutes les stars de la pop anglaise, Pink Floyd, Alan Parson Project, Kate Bush et bien d'autres, puis s'est consacré notamment à la prise de son moderne de musiques traditionnelles d'Inde et du monde arabe. Quel est l'apport de Patrick Jauneaud au CD d'Ilyes ?

F.L. : Patrick amène une qualité de travail étonnante. Immédiatement, il nous a fait oublier le matériel. Il a placé les micros, et la musique a pu se faire tout de suite. I. : Il a su mettre tout le monde à l'aise, même celles et ceux d'entre nous qui n'avaient jamais fait de studio ! Maintenant que ce répertoire rodé pendant plusieurs années est enregistré, quels sont vos projets ?

F.L. : Travailler sur le son, pour aller vers une musique qui fait plus de place au rythme, en élargissant le choix des percussions. Nous comptons pour cela travailler de manière plus approfondie avec Serge Folie, notre directeur artistique. Ce CD est la photo du travail musical des années qui viennent de s'écouler. C'est une très belle photo, réalisée dans d'excellentes conditions, mais l'évolution artistique de la musique d'Ilyes est en cours, nous n'en sommes pas à l'aboutissement. La base est posée actuellement, c'est une vraie rencontre de cultures musicales différentes, inscrite dans le temps, ce qui est rare.

Ce disque va accompagner le groupe pendant quelque temps, mais nous avons une réelle volonté de travailler le son comme dimension artistique, et de construire un prochain album en ce sens. N'y a-t-il pas de risque dans cette démarche ? Un disque super léché, techniquement et artistiquement irréprochable, peut se trouver en porte-à-faux avec le travail de scène.

F.L. : C'est clairement un danger, mais aujourd'hui il y a une réponse technique à ce problème. L'informatique embarquée permet, avec un simple ordinateur portable, de gérer très finement le mixage et le son de scène. On y travaille ! Serge Folie est-il intervenu sur cet album ?

F.L. : Bien sûr ! Serge a pris en main la direction artistique de l'album. Il est intervenu en profondeur sur les arrangements et le montage du disque. On l'a d'ailleurs surnommé “sécator” car il a fait la chasse au superflu. Son apport artistique est énorme et son travail de mise en forme transcende littéralement la musique d'Ilyès. La période actuelle est très difficile pour les musiciens qui portent un projet un peu hors normes, hors étiquettes, comme le vôtre, quand il s'agit de trouver une distribution à leur disque. Quelle est votre stratégie ?

F.L. : Dans le monde du disque aujourd'hui, c'est effectivement très compliqué. Les maisons de disques sont en crise et sont dures d'accès. Tout le monde nous a dit « pourquoi attendre de signer, lancez-vous !». C'est ce qu'on a fait. J'ai mis des moyens importants pour réaliser un disque agréable à écouter et à regarder, un bel objet.

En ce qui concerne la distribution, on vend le CD en concert et sur notre site Internet avant de pouvoir établir une collaboration constructive avec des maisons de disques française et étrangères. On sait déjà qu'il y a à chaque concert un retour très fort du public. Il ne reste plus qu'à l'élargir en faisant les bons choix ! Propos recueillis par J.B. Contact

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