Depuis les années soixante-dix, période à laquelle les musiques traditionnelles et des musiques du monde ont émergé, ces secteurs se sont considérablement développés, organisés, structurés. Aussi bien dans le domaine de la collecte des sources que dans celui de l’enseignement ou de la lutherie, des outils ont été créés et ont fait leurs preuves. Dans ce premier dossier de l’année 2008, c’est la problématique de la diffusion de ces musiques que nous choisissons d’aborder. Comme pour toutes les autres, diffuser ces musiques consiste -à grands traits- à créer les espaces et les outils de leur représentation, de leur expression et de leur transmission, à organiser les lieux de création, à développer des modes de production, de médiation et de rencontre avec les publics.
Nos secteurs ne sont pas restés en reste dans ce domaine pendant ces quarante dernières années : publications, atlas sonores, disques, festivals, salons, marchés, … Pour autant, en regard de la vitalité et de la part de ces musiques dans le paysage culturel en France, force est de constater quelques faiblesses dans le secteur de la diffusion de ces musiques : la relative efficacité des réseaux de diffusion et d’accompagnement dans ces musiques, le faible nombre de résidences de création et de compagnies musicales structurées et soutenues, la faible représentativité de ces musiques dans les réseaux généralistes ou dans les scènes dédiées aux musiques actuelles, leur faible exposition médiatique, l’économie très précaire du réseau associatif de proximité, …
Notre époque constitue un réel tournant dans nos secteurs -notamment la mutation des outils CMDT initialement mis en place- et dans le domaine
plus général de la diffusion –montée en puissance de la diffusion via des supports immatériels (web, …), mutation dans le domaine de la diffusion
sur support physique (CD, …).
Dès lors, comment penser la diffusion des musiques traditionnelles et du monde, demain ?
Gardons bien à l’esprit toutefois, qu’en filigrane des témoignages autour de la diffusion de ces musiques proposées dans ce dossier, c’est leur place
dans notre société contemporaine qui est posée, en tant que vecteurs artistiques et culturels, porteurs de valeurs spécifiques. Diffuser ces musiques
n’est pas un dû, les écouter –mieux, les recevoir- encore moins. C’est donc bien leur sens, en résonance aux grands enjeux de notre époque
contemporaine que l’on réinterroge et que l’on retravaille ici. Ce dossier se veut donc un espace de réflexions croisées, un partage d’expériences entre
différents protagonistes du secteur de la diffusion, domaine qu’on ne déconnecte pas ici des notions de création ou de transmission.
Franck tenaille ouvre ce dossier par un regard tout à la fois historique et sociologique sur le système de diffusion de ces musiques, en les replaçant
dans les enjeux de notre société contemporaine et dans une perspective politique. Vient ensuite un billet d’humeur par Jean-François Vrod qui, au
nom du CPMDT, dresse le constat des difficultés rencontrées par les professionnels dans les différentes strates du réseau de diffusion. Jean Michel
Fragey, du collectif Ça-i témoigne de la façon dont les artistes de ce collectif conçoivent et organisent leur mode de diffusion. Olivier Durif, en tant
que directeur du CRMTL, montre ensuite comment la substance de ces musiques devrait générer, demain, des formes nouvelles, vivantes, et ouvertes, dans des espaces alternatifs, de jeunesse et de vie. Enfin,Françoise Dastrevigne et Sylvain Giraud, apportent leurs regards et leurs expériences en tant que directeur d’équipements novateurs dédiés à la création dans nos esthétiques tandis que Jean-François Braun met en discussion la place de ces
musiques dans l’univers des SMAC.
Bonne lecture
Jean Sébastien ESNAULT
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