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32. Dialek
Musiques populaires du Maroc à Lyon.


CMTRA : Quelle est l’histoire de Dialek ?

Au départ nous étions quatre musiciens, quatre amis marocains qui jouions ensemble pour nous amuser. On reprenait les morceaux du groupe Nass el Ghiwan qu’on aime beaucoup parce qu’il nous évoque notre jeunesse et un certain climat de rébellion qu’il y avait au Maroc à l’époque mais aussi parce qu’il rassemblait de multiples influences des musiques du Maroc. À partir de là on a eu envie de faire un groupe et d’aller un peu plus loin en disant ce que nous avions à dire par des compositions. Abdelah, le joueur de banjo et chanteur du groupe, avait beaucoup de textes en arabe dialectal et on a eu envie de les mettre en musique. On a tous eu des expériences musicales très différentes. Ensuite on a intégré une violoniste classique et un bassiste acoustique qui vient du blues. Ce qui nous a réuni c’est cette volonté d’enrichir notre langage autour de la musique traditionnelle marocaine. On tient à cette musique populaire parce qu’elle est beaucoup moins représentée en France que la musique classique moyen-orientale ou le raï. Elle est pourtant encore très vivante au Maroc et en plus elle véhicule des messages de paix, d’émancipation de la femme… tout ça nous plaît et on essaye de le perpétuer avec le plus de finesse et de sincérité possible.

De quelles traditions musicales êtesvous partis pour construire votre répertoire ?

Notre influence majeure c’est la musique gnawa. Ensuite, nous nous inspirons beaucoup de la musique hamdouchia, qui vient du nord du Maroc et d’une tradition de musique de transe appelée aïssaoua, qui est une version maghrébine de la musique soufi. Enfin nous puisons dans la musique berbère qui fait également parti de la culture marocaine.

Il s’agit donc pour la plupart de musiques rituelles qui ne sont pas facilement transposables sur scène…

Oui, c’est vrai, ce sont des musiques qui ne sont pas scéniques et c’est toute la difficulté. Quand on est passé à la scène, on a dû réfléchir à la disposition : quelques fois, il vaut mieux descendre au milieu des gens, traduire ou donner des explications des textes. Le choix des instruments permet aussi de dépasser ces difficultés-là. Nous avons un banjo très utilisé dans la musique marocaine, des percussions traditionnelles comme le bendir, la derbouka et le djembé mais nous avons également des congas, une basse acoustique, un violon classique et moi je joue aussi de la trompette. Tout ça donne une musique qui est ouverte sur différentes influences, en mouvement. Ce qui est intéressant avec la trompette par exemple c’est que l’on peut reproduire le son d’un instrument qui est très utilisé làbas qui s’appelle gaita et d’un autre qu’on utilise souvent dans les mariages qu’on appelle nefara. En même temps le défi n’est pas tellement de reproduire un instrument de là-bas avec un instrument d’ici mais de faire ici de la musique marocaine avec une vrai trompette ! On fait ça surtout pour se faire plaisir, pour être surpris par les sonorités que ça peut donner. De la même manière, la basse prend les parties d’un instrument traditionnel appelé guembri mais du coup avec une touche un petit peu jazzy. Le violon remplace le kamenja, qui est normalement utilisé verticalement, sur les genoux, avec un son un peu différent. Là aussi, on est dans un mouvement, c’est-à-dire la kamenja oui, mais jouée avec un violon classique. Nous ça nous surprend tout les jours… et j’espère que ça surprend aussi les gens qui nous écoutent. Enfin, ça passe par la transformation même des morceaux, pour les rendre plus explicites. On fait de la musique en France, on n’est pas au Maroc, on joue dans un nouvel environnement, pour un public d’ici et nous-mêmes, nous sommes marocains mais nous sommes aussi français ! Dans la forme on essaye de bouger les choses, d’y mettre un peu de risque. Dans le contenu, on introduit des thèmes nouveaux liés à ce que l’on vit, ce que l’on voit autour de nous. On essaye de garder un socle fort, la langue, le rythme, l’énergie, le chant choral, le jeu des questions –réponses. Une fois, Abdala a voulu faire une chanson en français et je n’étais pas d’accord parce que l’arabe il faut le garder, on parle en français tous les jours et ce qu’on veut véhiculer ça peut être dit qu’en arabe. Il y a des finesses, des images et des métaphores propres à l’arabe. On ne veut pas faire une musique qui a tout perdu de son origine quelque chose de fade, d’écoutable, de plaisant. Il y a des musiques qui demandent un effort, comme les musiques gnawas, extrêmement répétitives, qui demandent plus de temps et d’attente. Permettre aux gens d’être dedans, pour nous, ça passe par l’explication, l’interaction avec les gens, les inviter à danser, à chanter avec nous. Ce que je reproche à ces mariages musicaux forcés est qu’on perd cette notion d’accueil, de tolérance, de partage. Quand on joue sur trop de tableaux en même temps, on ne dit plus rien, on ne fait que bavarder.

Propos recueillis par Y.E.




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