31. Publications
LYON, CAPITALE DES OUTRE-MERS
Immigration des Suds et culture
coloniale en Rhône-Alpes et
Auvergne
sous la direction de Nicolas
BANCEL, Léla BENCHARIF,
Pascal BLANCHARD
Editions La Découverte / ISBN :
978-2-7071-5318-0 / 240 pages
Depuis la fin du XIXe siècle, la
région Rhône-Alpes et l’Auvergne
sont fortement marquées par l’arrivée
de populations ultramarines :
voyageurs, travailleurs, artistes, soldats
et rapatriés sont venus y trouver
refuge. La métropole lyonnaise, en
particulier, est l’un des haut-lieux
d’installation de migrants des Suds.
À travers des centaines d’images
inédites et la contribution d’une cinquantaine
de spécialistes de la question,
cet ouvrage offre d’abord un
voyage dans l’histoire de cette présence
migrante depuis le temps des
expositions coloniales et ethnographiques,
qui accompagne l'entrée
dans le XXe siècle, jusqu’aux mouvements
de revendication et d’explosion
sociale de la fin du XXe siècle.
C’est aussi un majestueux hommage
à ces milliers d’inconnus qui ont
contribué de leur histoire singulière à
la construction et à l’évolution de
notre société. On y découvre des pans
de leur quotidien, des conditions de
travail et de vie, mais aussi l’évolution
des postures, le déploiement des créations
culturelles et des nouvelles trajectoires.
Aujourd’hui, l’entrée dans « le temps
des mémoires », autorise ce retour sur
cette part de notre histoire et le rassemblement
des documents épars qui
en témoignent. Elle permet également,
à l’instar de ce très bel ouvrage, de questionner l’impressionnante
évolution du regard porté sur l’altérité.
Lyon, capitale des Outre-mers est un
ouvrage collectif des éditions La
Découverte et dirigé par Léla Bencharif,
Nicolas Bancel et Pascal Blanchard.
Sa construction a très largement
mobilisé l’ensemble du réseau
dédié aux questions migrantes.
MUSIQUE DU COL DE TENDE
Les archives de Bernard Lortat-
Jacob 1967-1968
Editions ADEM06
Ce travail effectué sur les musiques
de la vallée de la Roya est singulier
à bien des égards. Un binome
constitué d’un ethnologue et d’un
musicologue a décidé de réexplorer
une enquête inachevée menée par
Bernard Lortat Jacob. Alors jeune
étudiant inexpérimenté, il fit plusieurs
séjours à Tende pendant l’été
1967 où il enregistra presque deux
cents chants et de nombreux entretiens.
Si l’enquête est restée inachevée,
un très beau corpus avait été
constitué, il n’a jamais été exploité
et analysé jusqu’à présent.
Ce livre-disque exhume ces sources
sonores et les réinterrogent à l’aune
des pratiques musicales actuelles.
C’est un formidable document où se
croisent dans une improbable histoire
commune les pratiques quotidiennes
de chants traditionnels de
cette vallée alpine de la fin des
années 60, le mai 68 de Lortat-Jacob
et les premières intuitions du grand
ethnomusicologue qu’il deviendra par la suite, les rivalités ATP/ Musée
de l’homme, les collectes successives
faites dans ces régions des
Alpes et les pratiques musicales
actuelles de cette région …
Le disque qui accompagne le livre
nous présente une sélection de l’ensemble
de la collection sonore
(écoutable dans son intégralité à la
MMSH et au MuCem). La première
partie est consacrée aux chants masculins.
Ces chants polyphoniques à
deux ou trois voix, étonnants de langueurs
et de force, aux voix tâtonnantes,
tendues à l’extrême, sont de
véritables performances auxquelles
les hommes aimaient se livrer dans
les bars avinés. Chants du défi et de
la sociabilité, ils témoignent d’une
pratique collective et spontanée de
la musique. Tout en contraste, le
répertoire des femmes est monodique
et semble plus confidentiel, il
n’est en pas moins beau, notamment
ces quelques splendides complaintes
chantées par des vieilles femmes
aux accents mélancoliques.
Inutile de chercher là une spécificité
des répertoires, l’ensemble révèle un
répertoire hybride, composite et plurilinguistique
(italien, piémontais,
nissart), révélateur d’une zone transfrontalière.
Les deux chercheurs
insistent plus particulièrement sur
les pratiques sociales liés aux
chants. Un très beau document
publié par l’ADEM (Agence départementale
des Alpes Maritime), fruit
d’un intéressant partenariat entre le
Mucem, la MMSH et deux jeunes
chercheurs talentueux.