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21. Les musiques traditionnelles et du monde dans les SMAC ?

Entretien avec Jean-François Braun, ex-directeur du Brise Glace, scène de musiques actuelles d’Annecy, actuel
directeur de La Source, équipement culturel en cours de construction à Fontaine et « membre historique » du réseau musiques actuelles (Fédurock...).


CMTRA : En posant la problématique de la diffusion des musiques traditionnelles, on se demande pourquoi elles ne sont pas davantage présentes dans les SMAC sans procès d’intention bien évidemment.Qu’en penses-tu ?

La problématique est posée de façon très sectorielle. Et ce qui me gêne souvent lorsqu’on raisonne par approche musicale, c’est qu’on juxtapose trop ces familles, en les considérant comme étanches. En tant que gestionnaire de lieux, je ne les considère pas comme étanches. Bien entendu, je peux me poser des questions d’ordre esthétique, mais je ne me suis jamais dit « il faut absolument que je fasse du jazz, il faut absolument que je fasse des musiques traditionnelles ». Je réagis par rapport au territoire sur lequel je travaille, en tenant compte de sa géographie, ses publics, ses enjeux sociaux ou autres. Tout projet, artistique, culturel ou autre, est singulier, mais doit se nourrir de son territoire et entrer en résonance avec lui. C’est fondamental. A Annecy, un long travail de recherches historiques et sociologiques avait été mené pour situer les acteurs. Sur la construction du projet à Fontaine, où l’on est en préfiguration, le travail de repérage et d’identification des musiciens, des pratiques artistiques et musicales sur le territoire est engagé différemment. On travaille avec un collectif d’artistes (La Forge) sous forme de collectages sonores, de portraits, ou autres, recueillis auprès de tous types d’acteurs qui vont de la batterie fanfare à l’école de musique ou au groupe de rock, des traditions orales ou écrites, … Une artiste peintre travaillera elle sur du collectage de photos d’identité de musiciens de tous âges, de tous milieux et puis à partir des collectages, de tous les supports et de tous les enregistrements, l’idée sera de constituer un répertoire, un orchestre et des temps de restitution.

Quand on souhaite travailler sur un objet musical X avec cette nécessité de résonance sur son territoire, c’est un système global qu’on va interroger et mobiliser le cas échéant : la pratique amateur sur cet objet X, et donc les possibilités de formation, les acteurs professionnels, etc… Sur Annecy par exemple, les opérations dans le secteur des musiques traditionnelles, notamment de sensibilisation, étaient rendues possibles par le biais, à l’époque, de l’école nationale de musique et d’autres structures d’enseignement. « On ne fait pas pour faire, on n’organise pas un spectacle pour organiser un spectacle ».

Et puis, un projet artistique se nourrit également en fonction de la nature de ton lieu. Sur le Brise-Glace d’Annecy par exemple, les choix de configuration du lieu ont répondu à la question initiale : Comment traiter les musiques amplifiées ? , puisqu’elles étaient les moins bien loties à l’époque. La question d’amplifier certaines musiques traditionnelles n’est sûrement pas évident pour toutes… C’était sur une approche essentiellement technique que s’est faite le bâtiment. De ce point de vue, on ne diffuse pas de la même façon selon une configuration de salle, son acoustique, sa jauge, … C’est là une réalité essentielle à prendre en compte et tout ceci contraint plus ou moins et explique que certaines musiques s’y retrouvent plus que d’autres. C’est aussi la raison pour laquelle je suis partisan des lieux modulables, pour être en capacité d’alterner petits et grands formats. Al’époque au Brise Glace, j’avais beaucoup insisté pour qu’il y ait un petit club synonyme de proximité, avec moins de lourdeurs techniques, On y a fait de belles choses, dans des formats scéniques réduits, avec Eric Montbel ou l’Arfi notamment, … Mais j’ai eu beaucoup de mal à défendre cet axe du projet, faute de réelles marges artistiques. Je les ai tenues deux saisons, puis on m’a dit : « tu es bien gentil avec ça… mais on arrête. » Il n’était, pour un financeur, pas justifiable de faire un concert pour cinquante personnes dans un équipement qui peut en compter dix fois plus.

Penses-tu que les musiciens de ces esthétiques ne vont pas suffisamment frapper à la porte des équipements présents sur leur territoire ?

Je ne sais pas si on peut généraliser. Peutêtre que du côté des SMAC au sens de complexes tels que le Brise Glace, les musiciens de ces secteurs ne viennent pas spontanément. Sur des projets pensés et implantés différemment, je suis persuadé qu’ils viennent. Je distingue certains projets de type urbain. A mon sens, un projet situé dans un grand bassin de vie a plus de chances d’être spécialisé et d’avoir d’autres lieux autour de lui qu’un lieu sur un territoire un peu plus isolé et qui verra converger beaucoup plus de demandes différentes parce qu’il est seul.

Sur l’agglomération d’Annecy, nous nous étions un peu partagés le territoire avec quatre équipements de spectacle vivant (Bonlieu scène nationale, l’auditorium de Seynod, le Rabelais et le Mironton de la MJC de Novel). Il y a donc des esthétiques auxquelles je me suis interdit de toucher parce que je considérais que c’était le rôle des autres. Sur certaines musiques traditionnelles, on s’était dit à un moment : « Tiens, un cycle se met en place à l’auditorium de Seynod, faisons tout pour le défendre, pour qu’il soit seul à ce moment-là, qu’il n’y ait pas de confusion et pour que le public se retrouve dans ses propositions. » De mon côté au Brise Glace, quand j’ai travaillé sur les musiques traditionnelles, je l’ai plus fait en dehors de ma saison, sur des temps où j’étais partenaire avec d’autres. Là, on a vraiment mis des cycles en place en proposant des esthétiques que je ne faisais pas dans l’année ou que je ne pouvais pas faire dans la configuration du lieu. Cela a notamment été le cas du plein air avec Bonlieu autour de programmations d’été (cycle afro-cubain, bals, fanfares…).

Selon toi, il n’y a pas de freins d’ordre idéologique ou conventionnel de la part des directeurs d’équipements de type SMAC…

Moi personnellement, je n’en ai pas ! Après, quelle est la culture musicale des programmateurs ? C’est une autre question. Ne négligeons pas non plus l’aspect économique : programmer certaines musiques du monde est hors de portée de nombreux lieux. Cela soulève aussi une autre problématique, puisque le programmateur ne programme pas pour lui, c’est celle de la découverte : comment faire découvrir des choses ? C’est dur à faire, d’autant que ce n’est dans l’esprit du temps. Est-ce que ça l’a jamais été ? me dira t’on. Même quand tu annonces un concert gratuit, s’il n’y a ni sens, ni résonance, ni médiation pour montrer aux gens que ça n’est pas dévalorisant d’aller découvrir un style ou voir quelqu’un qui n’est pas connu, cela ne fonctionne pas. Cette question en entraîne du coup beaucoup d’autres et notamment : jusqu’où peux tu aller en termes de prise de risques avec un budget forcément très contraint ?

Je crois surtout que c’est de plus en plus dur de créer des rencontres. Il en va de même pour le musicien qui cherche à se faire connaître d’un lieu ou d’un programmateur. Il a aujourd’hui tout intérêt à imaginer des manières de s’en rapprocher par des biais qui font sens au delà du simple envoi d’un disque et d’un dossier.



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