De l'Inde du nord à l'Occident
Pédagogie et transmission
Une certaine intensification d'initiatives pédagogiques et de projets de création autour des musiques indiennes et orientales s'opère depuis quelques années dans le champ culturel rhonâlpin. Alter-effet de l'intensification des échanges
internationaux de tous types (échanges d'artistes, diffusion électronique, développement du disque, formation des musiciens européens chez les maîtres indiens, ...), il est désormais possible à chacun de faire l'expérience sensible et
intime de ces cultures. « Si l'on a pris l'habitude de s'exclamer devant la virtuosité de telle violoniste soliste asiatique ou de tel pianiste oriental, lorsqu'un musicien occidental parvient a se faire accepter, non seulement on s'en étonne
mais on a tendance a être méfiant... les adoptions culturelles sont loin d'être évidentes et ces artistes n'en ont que plus de mérite lorsqu'ils parviennent à émouvoir un public très divers et à transmettre un savoir acquis au prix d'un
long travail d'assimilation et d'approfondissement personnel qu'ils défendent aussi bien par le concert que par l'enseignement. »(Vincent Zanetti, espace2, radio suisse romande)
Musicien et enseignant au CMTRA, Yvan Trunzler est l'un de ces passeurs d'une tradition exigeante : le chant classique de l'Inde du Nord. Accompagné des élèves de l'atelier de chant Dhrupad organisé par le CMTRA, il accepte
aujourd'hui de témoigner de son expérience de la pédagogie indienne et tente d'en dégager les spécificités et les intérêts.
De la Musique populaire à la
musique Classique Savante
La musique « indienne » comme la
plupart a de nombreux compartiments
: classique, semi-classique
(light music, dont dévotionnel, folk,
ghazal, Qawwali), musique de film et
chansons populaire Bollywood et bien
entendu de nos jours Fuzion, Electro
et Remix. Le propos ici concerne le
genre musical Dhrupad ou la voix,
comme dans tous les styles en Inde,
est l'élément de base. Le Dhrupad
est la forme la plus ancienne, la
plus rigoureuse et la plus savante de
tous les grands genres classiques
auxquelles elle a donné naissance.
Dans la pure tradition indienne les
quelques centaines de Ragas (modes)
répertoriés (desquels sont issus des
milliers de compositions) existent
naturellement depuis des temps très
anciens.
De la répétition systématique à
créativité spontanée
Cet enseignement traditionnel basé sur
la transmission orale de personne à
personne, et l'imprégnation progressive
s'adresse aussi bien aux chanteurs
qu'aux instrumentistes.
Il s'agit de développer une visualisation
naturelle du solfège chanté, de la
structure du raga (mode musical), du
tempo et du cycle rythmique.
L'étirement (glissando) des intervalles
conduit à la perception (au fil des
années) des micro-tonalités caractéristiques
des musiques savantes.
L'étude de chaque raga laisse une
empreinte émotionnelle dans l'esprit
du musicien, une couleur, une atmosphère
particulière qui installe à la fois
un cadre rigoureux et une liberté individuelle
dans l'expression.
L'apprentissage du premier raga prend
en général plusieurs mois et permet la
compréhension générale du système
avant de passer au second choisi quand
c'est possible en fonction de la nature
de l'élève et de ce qui est susceptible
de l'émouvoir et donc de le motiver.
Dans l'improvisation, les thèmes
mélodiques ou rythmiques, tant répétés,
lui offrent une aisance, un ancrage
à partir duquel les mouvements se dessinent
d'eux mêmes.
L'accord subtil du tanpura (luth à
quatre cordes) qui fixe la base du développement
général et la note de référence
personnelle, installe un climat très riche
en harmoniques et représente une partie
importante de l'apprentissage.
L'installation d'un Climat de
Confiance.
Ce type d'enseignement exige une
présence importante de l'enseignant.
Au delà de la simple imitation-reproduction
doit s'installer un climat de
confiance ou l'expression des
erreurs(par exemple dans les essais
d'improvisation) est considérée
comme un processus de développement
de la créativité et non comme
une « faute » honteuse et humiliante
(la pratique en groupe est d'ailleurs
très révélatrice).
Les corrections et les interventions
doivent être dosées en fonction de la
nature, de la motivation et des possibilités
du moment pour chaque élève,
dans le respect de son temps naturel de
maturation. Comme dans la musique
certaines personnes(rares...) ont un
don naturel pour la pédagogie et la
transmission, auquel il faut accorder
autant de temps d'apprentissage que
pour le reste en collaboration avec son
guide.
Y. T.