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Raphaël Jeannin

Raphaël Jeannin, jeune facteur de cornemuses, vient d'installer son atelier à quelques 50 km au nord de Lyon à Quincié-en-Beaujolais. Rencontre avec un artisan du son et ses instruments ...


CMTRA : Quelle formation as-tu suivi dans ce métier ? Qui sont tes initiateurs ?

R.J : C'est avec les cours du CMTRA en 1998, que je me suis initié à la cornemuse. J'ai aussi suivi des études de Musicologie à Lyon. Petit à petit l'idée de devenir facteur a fait son chemin, j'ai ensuite passé un CAP d'ébéniste, puis un CAP de tourneur sur bois. J'ai une formation autodidacte, pendant cinq ans j'ai bricolé tout seul avec une perceuse, puis progressivement je me suis doté d'outils. Dès le début, j'ai été intrigué par la fabrication et j'ai commencé à expérimenter sur l'instrument.

Quels ont été les apports du festival Saint-Chartier , ce grand rendez- vous annuel des luthiers et musiciens du trad dans le Berry?


L'apport a été très important, j'y vais depuis que j'ai commencé la cornemuse, c'est là-bas que j'ai appris beaucoup de choses auprès des luthiers, d'abord en observant les instruments puis en discutant. On est immergé dans un monde de musique, on découvre tellement d'instruments, c'est quasiment devenu un lieu de formation ... même si je n'ai jamais tourné un bout de bois avec un luthier. Le dialogue avec chacun d'entre eux a été important, Bernard Blanc, Jean- Sylvain Maître avec qui j'ai fait des stages d'anches, Bernard Jacquemin aussi, qui n'est pas avare en conseil.

Qu'est ce que c'est être un jeune facteur de cornemuse au 21ème siècle ?


Pour moi, il s'agit tout simplement de fabriquer des cornemuses qui répondent à la demande des musiciens d'aujourd'hui. À la base, la cornemuse était un instrument de soliste, on en jouait seul dans un tempérament particulier. Aujourd'hui, les gens veulent jouer avec un accordéon par exemple, donc ils veulent un instrument juste, à tempérament égal. La cornemuse est devenu un instrument d'ensemble et doit s'accorder avec les autres instruments.

L'enjeu est d'assurer une certaine constance à l'instrument ?


Oui, il faut que la cornemuse soit stable, qu'elle soit fiable dans l'accord, suivant l'endroit où l'on joue et cela, on y parvient grâce aux matières synthétiques. Les anches* peuvent être aujourd'hui en plastique ce qui les rend stables, qu'il fasse chaud ou froid, ça tient le choc. Les musettes anciennes possédaient des anches en roseau très sensibles aux changements de température ou d'hygrométrie.

Est-ce que tu mènes une recherche particulière sur la cornemuse, quel type de son essaies-tu de fabriquer ?


J'ai adopté une perce* qui me convenait et j'ai travaillé la qualité de l'état de surface intérieur de ce tuyau sonore. Cet aspect de la fabrication est extrêmement important pour le son. Ensuite, il y a un travail sur les anches, le grattage, l'épaisseur des lamelles vibrantes. C'est en les faisant que je vois ce qui me plait ou pas. Mais c'est surtout avec les années 70 que l'évolution de l'instrument a véritablement fait un bond à ce niveau-là, Bernard Blanc notamment a été un pionnier, il a inventé avec d'autres facteurs un son qui n'était pas le même que celui qu'il y avait à l'époque ... Ça vient encore des anches. À l'époque elles étaient trapézoïdales, lui il a fait des anches plus étroites. Le son que les cornemuseux ont aujourd'hui est clair, précis dans les attaques, avec un timbre riche en harmoniques. Ensuite, cela dépend aussi du bois que l'on utilise, c'est lui aussi qui donne un son particulier, si on utilise de l'ébène du Mozambique, le son va être claquant et percutant, si on utilise du cormier, le son sera rond et chaleureux.

Cet instrument aux origines lointaines se perpétue encore ... la demande est-elle toujours importante ?


Oui, la demande est continue et importante. Les luthiers déjà installés ont beaucoup de demandes, ils ont deux, trois ans de délais de commande. Pour ma part, les clients se présentent spontanément grâce au bouche-à-oreille. La demande est là.

La cornemuse est inséparable de sa mythologie, une mythologie dense qui fascine beaucoup de musiciens, mais cette fascination est aussi deux versants, c'est un instrument qu'on adore ou qu'on déteste, jusqu'au rejet parfois ...


Oui, c'est sans conteste un instrument atypique ... Il y a cet aspect sensuel avec cette poche que l'on gonfle d'air et que l'on serre contre soi. Il y a aussi un rapport avec la bestialité, c'est une peau de bête, quand on en joue, on peut parfois se dire que c'est l'animal que l'on a tué qui renaît. Il y a plein d'histoires et de mythes autour de la cornemuse. C'est aussi un instrument diabolique ... il y a les meneurs de loups, ces joueurs de cornemuses qui envoûtaient les loups et pouvaient les mener à travers la campagne. C'est tout un monde un peu mythique qui fait que la cornemuse fascine et effectivement soit on adore, soit on déteste.

La particularité aussi de cet instrument réside dans le fait de jouer sur des bourdons, ce n'est pas comme le saxophone où l'on peut jouer dans n'importe quelle tonalité ; la cornemuse impose une tonalité ou un mode, une bulle sonore est créée par les bourdons et ça pose d'emblée une atmosphère particulière. Il y a aussi le fait que l'on joue en plein jeu en permanence, on ne peut ni atténuer ni augmenter le volume sonore. Donc musicalement c'est assez fort.

Y a-t'il toujours l'adéquation d'un type de cornemuse avec un certain type de répertoire ?


Il y a un type de cornemuse propre à chaque région, donc il y a souvent un répertoire qui leur correspond. Mais aujourd'hui, il y a une grande ouverture musicale, surtout avec les musettes du centre qui permettent de jouer un grand nombre de répertoires. Avec ces dernières, on peut jouer des répertoires de Haute et Basse Auvergne et de tout le centre de la France, on peut jouer des répertoires du Sud-Ouest (des rondeaux par exemple), on peut aussi explorer beaucoup d'autres répertoires européens. Techniquement, on peut aussi faire du Breton même si je trouve que la cornemuse du centre ne se prête pas à ce répertoire dans la mesure où elle n'a pas le timbre qu'il faut, ni l'attaque et la percussion d'un couple biniou/bombarde.

Il y a deux attitudes ; il y a ceux qui continuent à avoir un style propre à l'instrument et puis ceux qui explorent de nouveaux répertoires ou qui font des compositions, beaucoup de groupes de jeunes musiciens par exemple se moquent du répertoiretype de l'instrument. À côté de cela d'autres conservent le jeu typique de chaque cornemuse. Certains comme les Brayauds en Auvergne cultivent un jeu typique à la musette Béchonnet.

La cornemuse du centre est elle une cornemuse plus « malléable » que d'autres ?


Cette cornemuse est une des plus jouées par les folkeux, par ceux qui jouent du trad « bal folk » et qui mélangent plusieurs répertoires. Avec la cornemuse du centre, on peut jouer dans beaucoup de styles et faire des choses nouvelles, car contrairement au biniou breton et à la cabrette auvergnate, il n'y a pas de témoignages de jeux précis. Pour la cabrette par exemple on possède des enregistrements du début du siècle, ce qui a engendré un jeu précis, très technique, très codifié, comme avec la cornemuse bretonne ou la cornemuse écossaise. Alors qu'avec la cornemuse du centre, on n'a pas de témoignages sonores qui imposent un style de jeu précis et l'on a pu se réapproprier cet instrument sans vraiment être obligé d'adopter un style particulier. En revanche avec la cabrette (Haute-Auvergne), quand tu fais telle note, tu dois faire tel ornement, c'est presqu'un passage obligé.

Es-tu intéressé par l'archéologie musicale ?

Ça m'aurait passionné, mais tout a été fait durant les trente dernières années, avec ces campagnes de collectages aussi bien musicales qu'instrumentales. C'est pendant cette période qu'ont été exhumés les Béchonnets et les musettes du centre. Quant à moi, pour l'instant, je ne cherche pas à innover dans ces instruments, je veux faire des instruments fiables qui durent dans le temps, je n'ai pas pensé à de grandes innovations pour le moment.

Par contre je suis très intéressé par l'esthétique des cornemuses anciennes. J'ai passé deux jours dans les réserves du musée de Montluçon qui a une énorme collection de musettes et de vielles à roue. J'ai trouvé là-bas des Béchonnets d'époque et des cornemuses incrustées qui m'interressent beaucoup.

Par rapport aux boudègues du Sud-Ouest, ce type de cornemuses paraît pourtant moins beaucoup moins exubérant dans leur décoration...


Les cornemuses du centre peuvent pourtant être très riches en décors et en symboles ; on aime bien avoir de beaux instruments. Les cornemuses peuvent êtres incrustées sur tous les bois, les bourdons, le boîtier, on peut faire des motifs comme les résilles, les fleurs de lys, les trèfles, des ostensoirs, il y a un grand nombre de symboles.

Le bois est sculpté, puis l'alliage étain/plomb est coulé dedans. Ces techniques sont longues et difficiles à exécuter, c'est un travail de joaillier et ce type de cornemuses est très recherché. Sur les Béchonnets, on peut faire des médaillons et des boîtiers très personnalisés. Sur les bois, on met des bagues en ivoirines ou en cornes blondes ou noires. Sinon, il y a aussi le décor Sautivet, gravure sur bois noircie avec de la cire ou encore de simples anneaux de couleurs réalisés à l'aide de teintes. Sinon, ni franges ni pompons, parfois des rubans dans certaines occasions...

As-tu un rêve de facteur ?


Ce que j'aimerais par-dessus tout refaire, c'est une cornemuse à dentsde- scie. C'est un décor que fabriquait Béchonnet (fabriquant du Puy de Dôme, né en 1820) qui a inventé ce type de cornemuse. Chaque bague est découpée comme des dents de crocodile, c'est une prouesse technique que j'aimerais faire. Je suis fasciné par ce type de cornemuse.

La fabrication de cornemuse, un bon créneau alors?


Dans ma région, je crois que je suis le seul ... et la cornemuse du centre, beaucoup de gens en jouent, il y n'a pas que de la clientèle dans le centre de la France. Je m'installe à Quincié-en- Beaujolais à 50 km au nord de Lyon dans une maison que je retape. Comme l'an dernier, j'aurais un stand à Saint-Chartier cette année ...

Rendez-vous là bas avec les amateurs.


Propos recueillis par P.B.

Contact


JEANNIN Raphaël

le bourg 69430 Quincié-en-Beaujolais

[jeanninraphael@yahoo.fr->jeanninraphael@yahoo.fr ]

[Site web : www.jeannin-cornemuse.com->www.jeannin-cornemuse.com]

Tel : 04 74 04 39 06

Définitions :

* Perce : Canal intérieur du hautbois, qui est coiffé d'une anche double.

* Anches : Lamelles simples ou doubles qui produisent le son au passage de l'air.


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