Boutique Mon compte
page facebook du CMTRA page twitter du CMTRA page youtube du CMTRA
accueil > nos actions > ressources > lettre d'information n°61 > invitation au vent Adhérer
menu
page facebook du CMTRA page twitter du CMTRA page youtube du CMTRA

Invitation au vent

Rencontre avec Hervé Baron, porteur et instigateur du projet Invitation au Vent.

CMTRA : Vous avez intitulé votre spectacle « Invitation au vent », est-ce là une invitation pour nous, publics,à se laisser porter par Eole ?

Hervé Baron : Pas exactement, dans ce titre l'invitation s'adresse au vent en tant que symbole de l'énergie. On pourrait parler d'invocation, "que vienne la bonne énergie!" . Sans s'attacher à une signification culturelle précise, il y a la volonté de donner à l'acte artistique un sens sacré, comme on le trouve à l'origine du Bharata Natyam (danse du sud de l'Inde).

Et où les vents emportent-ils ce spectacle alors ?

Il s'agit d'un spectacle pluridisciplinaire faisant se rencontrer la danse, un ensemble de musiciens et un collectif constitué de collégiens, de lycéens, d'enfants et d'adultes. Le spectacle réunit donc des pratiques, des traditions et des cultures différentes. Les influences sur le plan musical sont pour une grande part indiennes, avec le répertoire d'Annie Torre, mais pas seulement puisque l'identité de chacun reste bien définie. Lionel Rolland, guitariste et joueur de luth, crée un environnement issu de son parcours entre le blues, le flamenco et les musiques du Maghreb.

Et dans mon travail je m'appuie sur les éléments de langage propres à notre culture occidentale. L'aspect esthétique ou visuel est, pour une grande part, influencé par mon parcours dans les arts martiaux et les cultures du zen.

Comment avez-vous construit ce spectacle ?


Nous nous sommes appuyés sur le récital de Bharata Natyam. Cette danse sacrée a une logique interne que je compare à la liturgie de la messe. On peut effectivement faire un parallèle entre les différentes pièces de ces deux formes musicales. Le Pushpanjali et l'Introït sont les pièces d'entrée, d'ouverture, dans un style posé sans recherche de virtuosité. L'Offertoire et le Varnam ou le Tillana sont des pièces virtuoses, sortes d'offrandes musicales ou corporelles. Ou encore le Mangalam et le Bénédictus qui dans les deux cas ont fonction de bénédiction. Dans le spectacle, la danse Bharata Natyam est présentée sous ses deux aspects. La danse pure, danse rythmique et puissante qui met en jeu le corps dans sa globalité. La danse narrative qui exprime les émotions, les sentiments. Les compositions du duo de Lionel et Cédric et celles de Valentin prennent naturellement place de divertimenti dans le récital.

Si notre création est conçue sur cette base et créé donc un lien entre les différentes cultures, musicalement il a fallu adapter et trouver une place "juste" dans cet environnement. Ainsi, par exemple, les chants sont en français et s'appuient sur la tradition populaire occidentale. Il n'y a donc pas un son "indien", même si la percussion avec les tablas de Cédric Germain est indienne

Le vielleux Valentin Clastrier a accepté votre invitation en s'intégrant à votre spectacle. Pourquoi avoir choisi ce musicien ? Quelle place a-t-il ?

Ce souhait naît d'une rencontre en 2002 au festival de l'Ephémère à Hauteville. Des questionnements et des recherches communes nous ont rapprochés et notamment les problématiques liées à la notion de tradition : comment s'approprier la tradition ? Et l'échange entre les différentes cultures, les différents courants peut participer des processus d'appropriation.

Valentin Clastrier joue de la vielle à roue, instrument traditionnel par excellence. Pour autant, il a posé la question de cette relation puisqu'il a transformé son instrument en le faisant passer de 6 à 27 cordes. Il a recréé l'instrument et par là même, le jeu sur et avec l'instrument, le répertoire et la technique. Ce qui nous intéresse dans la personnalité de Valentin, c'est qu'il est un musicien en recherche au niveau d'une tradition, il fait partie de ce que j'appellerais « l'avant-garde de la tradition. »

... ?! Comment penses-tu la notion de tradition ?

Ce qui importe est bien ce qui se passe avant le spectacle et plus particulièrement la relation à l'enseignement. Tradition signifie transmettre mais la question est la façon dont la transmission se fait.

Et il est évident que l'apprentissage d'un langage implique une imprégnation de toute la personne. Et cela n'est possible qu'à travers une pratique où le corps est engagé complètement. Cette question de la tradition est donc étroitement corrélée à celle de l'expérience quotidienne de la musique. Pour l'artiste confirmé, jouer de la musique chaque jour consiste à exercer son métier. Pour les amateurs, il n'y a que peu d'espaces, de lieux pour la musique dans le quotidien. Nous avons perdu ce type de rapport à la musique.

Finalement on peut dire que l'individu d'aujourd'hui consomme plus de produits qu'il ne participe lui même à un processus de re-création.

Enfin, la tradition sous-tend une dimension sociale où la relation, entendue comme un espace d'apprentissage et de transmission, occupe une place primordiale. En créant ce spectacle nous créons un lieu de tradition.

Amateurs et professionnels sont réunis dans ce spectacle. Quelle volonté a précédé l'association de ces différents protagonistes ?

Invitation au Vent célèbre et ne se pose donc pas la question de la virtuosité. L'idée consiste à rassembler et lier les gens à travers une pratique. Un des enjeux de ce spectacle est bien de donner une place à chacun, et je dis souvent qu'il n'y a pas de prolétariat de la musique. On se trouve contraint à communiquer et à échanger si l'on veut qu'arrive le vent.

L'échange entre l'élève et le virtuose consiste pour le premier à entrer dans les compositions de l'autre en utilisant des techniques très simples. Pour le professionnel il y a la nécessité de ne pas s'enfermer dans la virtuosité, la technique. Il faut de toute façon communiquer. Il n'y a pas de séparation hiérarchique entre les individus mais reconnaissance mutuelle de l'expérience de chacun. Par exemple, on reconnaît la pratique d'Annie qui a travaillé des années pour devenir dépositaire d'une telle tradition.

Alors que le réacteur médiasphère de génération star'ac' opère un perpétuel matraquage binaire de nos oreilles et de nos esprits, comment les amateurs que vous accompagnez se sont imprégnés de structures rythmiques complexes, de boucles qui tournent en 9 ou 11 temps ?


La question est bonne. Dans ma façon d'enseigner, très influencée par les arts martiaux, l'enseignement s'adresse essentiellement au corps. Il s'agit de transmettre par la pratique des archétypes de rythmes et de forme. Ainsi se mettent en place un vrai sens rythmique et une mémoire corporelle. Et certains de mes élèves me suivent depuis dix ans et plus. Certains ont commencé à l'âge de 2-3ans. On peut vraiment dire qu'il y a imprégnation, qu'un travail de fond a été fait, corporellement. Alors dans ces conditions il peut y avoir, naturellement, une place pour l'amateur dans des musiques qui restent, elles, à leur niveau de virtuosité. Et il est vrai que les structures rythmiques des compositions de danse dans le Bharata Natyam sont complexes. Les cycles à 7 ou 9 temps sont très courants et la forme rythmique (phrases, thèmes, mouvements) des pièces est très développée. Il en est de même pour l'aspect mélodique, Lionel joue sur des modes on l'on trouve souvent le degré inférieur à la tonique en position naturelle, le second degré mineur ou bien le quatrième degré augmenté... Mais là encore on peut relier les cultures, ne trouve-t-on pas tout cela dans notre modalité grégorienne?

Tu sembles accorder beaucoup d'importance à la place du corps dans votre création...


Comme je l'ai dit, le corps constitue le lieu d'intériorisation et de mémorisation des archétypes rythmiques et mélodiques. On tente donc de s'imprégner à travers les frappés de mains, les pas, ... D'autre part pour pratiquer le rythme, le chant, il faut une posture. Ce sont donc tous ces gestes simples que l'on mène sur la scène.

Vous consacrez une large place à la dimension rituelle dans votre spectacle, comment les protagonistes combinent-ils avec cet aspect ?


Le rituel ne fait ici référence à aucune religion mais s'inscrit plus dans le quotidien, au coeur de l'humain, un “rituel néopaïen” d'une certaine façon. Je l'explicite souvent en le comparant au rituel de la table au moment du repas, situation tout à la fois simple et complexe. Qu'est ce que la table sinon un lieu du rituel, un lieu de rites?

La position assise à table constitue un premier code. La séparation choisie entre le bas du corps, lieu de nos pulsions d'une part, et le haut du corps, siège du spirituel d'autre part, est porteuse de sens. De même, nous faisons le choix de se mettre autour de la table, en situation de regards croisés, nous prêtons attention à celui ou à celle que nous allons servir en premier, ... Le moment de la table fonctionne parfaitement parce qu'on a mis en place cette relation très codifiée. Se serrer la main, chanter une berceuse pour endormir les enfants sont autant de moments qui peuvent s'envisager comme du rituel. Et bien de la même façon, l'espace scénique constitue un lieu d'attention particulière : on ne marche plus, on ne se tient plus comme dans le quotidien. Il y a lieu d'être vigilant, bien attentif. La scène, la table sont des lieux où peut s'exprimer la dimension humaine de l'individu. On peut ne plus passer à table pour seulement se nourrir.

N'existe-t-il pas un danger de produire de l'artificiel dans l'acte de déplacer ou de recréer du sacré ou du rituel ?

Effectivement, le risque existe et notamment celui du collage. Seule la pratique intense et historique, personnelle et collective de chacun des protagonistes garantie l'intégrité de la démarche et la pertinence du rituel. Ce spectacle est étroitement lié au travail fait au quotidien. Chaque semaine, l'enfant, l'adolescent ou l'adulte vient pratiquer et depuis un certain nombre d'années. D'autre part le projet existe depuis 3 ans. C'est donc autant d'heures et de jours qui sont visibles lors de ce spectacle. Et finalement avec le temps ne reste que ce qui est vraiment naturel.

Sensiblement, comment le spectateur fait l'expérience de cette dimension rituelle ?


Si le rituel a sa place, s'il sonne juste, c'est aussi parce que le choix et la conception des gestes reposent sur la simplicité. Comment s'asseoir ? Comment prendre la paire de bâtons ? Quelle posture choisir pour chanter ? Dans le Théâtre japonais le chanteur, quand il chante, tient son éventail en faisant attention qu'une partie reste en contact avec le sol. Al'instar de ce chanteur, les gestes de chacun sont très simples en même temps qu'ils produisent du sens. Notre esthétique du geste vise justement à lui porter soin et attention, à adopter une tenue et des postures qui véhiculent une énergie.

Pour finir, quel bon vent peut-t-on vous souhaiter ?


Le défi de nous réunir et d'aboutir cette création est déjà relevé puisque le spectacle a aujourd'hui une existence bien réelle. Souhaitons-lui bon vent.

Propos recueillis par J.S.E.


 Contact

Hervé BARON

Tél : 04 72 48 27 12 Invitation au Vent Samedi 20 Mai, Meyzieux


logo CMTRA

46 cours du docteur Jean Damidot
69100 Villeurbanne

communication@cmtra.org
Tél : 04 78 70 81 75

mentions légales

46 cours du docteur Jean Damidot, 69100 Villeurbanne

communication@cmtra.org
Tél : 04 78 70 81 75