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Un vent de Perse
Tar et sétar à la Guillotière

C'est en poussant la porte « D'un vent de Perse », petite épicerie iranienne du quartier de la Guillotière que nous avons rencontré Daniel Reza Machkouri. Entretien avec ce singulier personnage, poète et musicien, ancien champion de lutte, adepte soufi et commerçant du quartier ...

CMTRA : Quel est votre parcours et votre histoire musicale ?

D.M. : Je suis arrivé en France à treize ans et c'est ici qu'une grande partie de ma formation a eu lieu. Je n'ai jamais rompu les liens avec ma culture iranienne et le pays lui-même. J'ai surtout eu l'honneur de suivre une formation soufie et j'ai été comme absorbé par le soufisme, le maître qui m'a initié est un très grand maître actuel, Dr Javad Nurbakhsh, c'est lui qui m'a permis de pénétrer à l'intérieur d'une grande confrérie. C'est par ce cercle que j'ai pu côtoyer les maîtres de la musique iranienne, entendre leur musique perpétuellement et avoir un apprentissage musical.

Ce n'est pas venu du jour au lendemain, c'est une formation qui a pris vingt ans, vingt années de travail, d'écoute et d'apprentissage. Une partie de ma formation s'est faite en France et une partie a eu lieu en Iran. Mon maître de musique s'appelle Maître Peymani, il a été mon professeur mais il est aussi luthier, c'est lui qui a fabriqué le sétar* sur lequel je joue.

Quelles sont les particularités de votre instrument?


Outre les particularités de fabrication liées à la forme, la particularité des instruments fabriqués par mon maître se situe dans la sonorité. Dans un sétar classique, lorsque l'on touche à la corde, le son a un début et une fin. Avec ces sétars précisement, le son se déplace mais il ne se finit pas, il s'éloigne, sans jamais se terminer. Ma spécialité c'est le sétar, mais je joue également du tar*, du zarb* et du daf*.

Dans quel contexte est jouée cette musique ?


Les contextes pour jouer la musique traditionnelle iranienne sont différents. Dans certaines anciennes cultures en Iran, on emmenait les morts avec le daf et on en jouait jusqu'à ce que la peau de l'instrument se déchire. C'est une fois que le daf était mort et anéanti qu'on pouvait estimer que le mort était bien parti. On peut en jouer à l'occasion de deuils, ou dans des moments de gaité, comme les mariages. Mais il ne faut pas oublier que cette musique, la musique iranienne, est une des plus ancienne musique thérapeutique du monde. Pendant des millénaires, elle a servi de thérapie pour évoluer d'un état maladif à un état normal, et d'un état normal à un état supérieur.

Le sétar, le ney et le daf sont les principaux instruments traditionnels thérapeutiques soufis. Lors des réunions organisées dans les cercles soufis, on s'accorde le coeur avec amitié et sincérité et on récite des poèmes qui correspondent à l'état spirituel de l'ensemble des gens présents. Petit à petit, on arrive à un état de joie intérieure extraordinaire, un rayon de lumière passe sur l'esprit et l'enchante. Ces maisons soufies sont culturellement fondées pour cela. Quelqu'un qui est en douleur, qui se pose des questions très douloureuses sur l'existence, « d'où je viens ? où je vais ? » peut avoir à faire au soufisme. La langue expressive du soufisme passe à travers la musique et la poésie. Elles permettent d'accéder au sens spirituel.

Vous avez fait une adaptation du répertoire soufi iranien. Où se sont jouées ces transformations?


J'ai la chance d'avoir la double nationalité. Je suis fier de ces deux origines qui m'ont formées, je suis franco-iranien avec honneur. Ma formation a été faite en partie en France, notamment à travers la langue française. Cette langue m'a absorbé tout de suite, elle m'a attiré par sa forme et sa beauté. J'ai senti la nécessité d'exprimer cette culture ancestrale, le soufisme, dans cette si belle langue qu'est le français. D'où ce livre de poésie soufie française que j'ai écrit, le « Recueil de Reza / Lyrique, épopée, Quatrains du 21ème siècle. »

Ces poèmes que j'ai composés, je les chante accompagné d'un instrument, parfois avec un daf ou un sétar. Lorsque je les joue, je les déclame car le chant efface parfois les mots, je cherche au contraire à les mettre en avant et à les faire sonner comme une note.

« Un des plus vieux instruments du monde est SETAR

Un bras bien long, une caisse bien ronde est SETAR

Luthier qui envoie au coeur des ondes est SETAR

Pour connaître mer de sagesse, la sonde est SETAR »

Comment articulez-vous vos pratiques musicales et votre activité professionnelle ?


J'enseigne le tar, le sétar et le daf dans le cadre associatif de « la Maison des cultures persanes ». J'y accueille des élèves plusieurs fois par semaine. Je travaille aussi dans une épicerie. Je souhaite transmettre cet héritage que m'a confié Dr Javad Nurbakhsh et le perpétuer aux générations futures.

Sinon, je suis éducateur sportif de formation et j'ai fait beaucoup de lutte. J'écris beaucoup, j'ai publié plusieurs ouvrages de poésie et je fais de la traduction. C'est un moyen pour moi de tenir dans ce monde souvent désagréable, parfois très sauvage, ça me permet de faire face à certaines difficultés de la vie quotidienne. C'est un enchantement et un plaisir et c'est avec joie que je fais de la musique seul ou en représentation. Seul ou en groupe, l'essentiel pour moi est de transmettre ces idées à d'autres et de faire ce lien fondamental, culturel en dehors de toute sorte de politique. Je cherche ces points culturels communs qui lient la culture occidentale et la culture persanne.

Propos recueillis par Y.E et P.B.

Contact :


Daniel Machkouri
6 rue Jean Voillot - 69500 Bron
Pour des infos sur les cours de Sétar/ Tar/ Daf: tel : 06 14 33 78 49

Lexique :

* Sétar : luth à long manche, avec 4 cordes de métal

* Tar : Dérivé du sétar

* Zarb : Tambour à peau, en forme de calice avec un pied élancé

* Daf : Tambourin circulaire, dont le bord est cerclé de chaînes métalliques


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